Dimanche 1er février 2004, par Xavier Campion

Mychael Parys

Rencontre avec ce jeune comédien que l’on a pu voir récemment au Théâtre des Galeries et qui joue actuellement "La chèvre" au Rideau de Bruxelles.

Mychael ParysTu as participé récemment au spectacle « Cyrano de Bergerac » monté au théâtre des Galeries, où tu tenais divers seconds rôles. Environ 35 comédiens sur scène, 5 changements de décor, des moyens importants. Comment as-tu vécu cette expérience ?

C’était une expérience à la fois amusante et impressionnante.

Amusante parce que en ce qui concerne les figurants nous nous retrouvions entre sortants du conservatoire de Bruxelles, nous avons bien ri ; c’était une bonne partie de déconnade !

Ensuite intéressante parce que avoir la chance de voir Pascal Racan travailler est une grande leçon. Au niveau des rencontres il est certain que c’est une expérience enrichissante.

Par contre, pour un comédien sur un point de vue purement artistique c’est toujours moins intéressant ce genre de grande machinerie lorsqu’on est figurant. On se sent comme perdu dans la masse et les figurants ne sont pas vraiment dirigés. Ce qui est assez logique puisque tout doit aller très vite, le metteur en scène n’a pas le temps de prendre garde à tous les détails. Les figurants travaillent eux même.

Ta prochaine prestation sera le rôle de Billy dans « La Chèvre » de E. Albee, sacrée meilleure pièce de l’année aux Tony Awards 2002. Elle aborde des thèmes comme l’amour, la famille mais aussi la passion et la tolérance. Que t’inspire cette pièce ?

Effectivement cette pièce a pour thème majeur la tolérance, le regard des autres sur un évènement hors du commun. Tout se passe dans une famille bourgeoise ou tout va bien dans le meilleur du monde. Un jour tout bascule...Il est très intéressant de voir comment cette famille bien sous tous rapports va réagir.

Il s’agit plus d’une fable sur le regard des gens face à un changement de vie.

Ce qui est intéressant ce sont les faits eux-mêmes mais aussi l’entrecroisement de plusieurs situations et plusieurs points de vue.

Tout d’abord le père, qui implique par ces choix tout un changement de repères à toute la famille. Par rapport à cela il est évidemment question du seuil de tolérance de sa femme et de son fils. Tout ce qui semble normal au père ne l’est pas du tout pour les autres.

Ensuite, vient se greffer sur cette situation déjà complexe l’homosexualité du fils. Alors que le père demande de la compréhension et de la tolérance, lui se montre totalement intolérant face à l’homosexualité de son fils. Conflit d’opinion et de génération. Il est intéressant de voir comment réagissent les gens lorsqu’on leur ôte leurs repères.

Qu’est ce qui est le plus intéressant et/ou enrichissant : participer au montage d’une pièce aussi prestigieuse que « Cyrano », même en temps que second rôle, ou assumer un des rôles essentiels dans une mise en scène qui implique moins de comédiens, comme c’est le cas pour « La Chèvre » ?

Chacune des expériences est impressionnante mais pas pour les mêmes raisons. Pour « Cyrano » tout est impressionnant : la pièce, le théâtre dans lequel on a joué et la distribution. Mais artistiquement c’est « La Chèvre ».

C’était pour moi la première fois que j’avais un rôle à défendre. Je cherchais sans arrêt de la nourriture à apporter au personnage. Y penser le jour, la nuit, en discuter avec le metteur en scène, chercher.

Ensuite ce qui est intéressant c’est de jouer un seul personnage. En plus un personnage bien plus proche de moi ce qui permettait à mon imagination de se laisser vraiment aller. Là, mon personnage a son importance réelle dans la pièce.

Ton personnage, Billy, est le fils d’un homme qui trompe sa femme et le dit, allant presque jusqu’à le revendiquer au nom de l’amour et de la passion. Comment ton personnage réagit-il face à cette situation ?

La pièce présente un cliché de l’American Way of Life. Lorsque cette situation apparaît, tout s’écroule pour Billy. L’image du père, celle de la mère mais aussi tous ses repères même ceux par rapport au sexe. Dans un premier temps, Billy réagit dans un conflit père/fils. Il a en effet une relation très passionnelle avec sa mère et il en veut terriblement au père d’avoir démoli sa mère. D’un autre côté, sa relation avec son père et comme celle d’un enfant battu : il lui en veut mais ne peut se détacher de lui. Au fur et à mesure, il comprend et ressent la détresse du père.

Sur quoi axes-tu particulièrement ton travail de comédien pour ce rôle ?

Il s’agissait pour moi de retrouver des choses que j’avais moi-même ressenti, de puiser dans mon affect pour essayer de retrouver des sentiments à peu près similaires. Ensuite Billy a 16 ans, il a donc fallu que je retrouve la maturité d’un jeune garçon de 16 ans car Billy ne réagit pas du tout en adulte.

Par rapport à son âge justement j’ai fais un gros travail d’observation auprès de jeunes de son âge. J’ai la chance de donner cours à des jeunes de cette tranche là, je les ai longuement observés dans leur manière de parler, de s’exprimer. J’ai été attentif à leur manière de penser également.

Billy est homosexuel, ce qui pour moi, hétérosexuel, était une difficulté en plus.Il fallait que je trouve une façon de me tenir, de gesticuler mais de manière subtile ; pour éviter à tout prix le cliché de la folle.

Il s’agissait donc d’un travail à la fois physique et psychologique.

Enfin, la recherche s’est faite aussi dans la tenue vestimentaire, nous avons réalisé un travail intéressant avec la costumière avec ce réel souci du détail pour rendre les choses crédibles. Des habits, aux chaussures, aux chaussettes et même jusqu’au bracelet. C’est à ce genre d’occasions que l’on peut se rendre compte de l’importance du costume et à quel point cela aide.

La pièce est jouée depuis le 15 janvier maintenant. Comment réagit le public ?

Le public est très vite secoué, car il entre directement dans le vif du sujet. Paradoxalement les gens rient beaucoup face à l’énormité de la situation. C’est important qu’ils rient, parce que cela deviendrait rapidement oppressant sinon. C’est une pièce très bien écrite, il s’agit d’une véritable pièce de musique.Elle démarre forte , passe de crescendo en decrescendo pour mieux exploser à la fin. C’est dommage, car nous avons perdu de cette intensité à la traduction.

A 23 ans, fort d’une belle expérience déjà, comment imagines-tu ton avenir ?

Tout vient souvent par rencontre, par coup de bol. Je profite de ce que j’ai en ce moment tout en ayant conscience que c’est éphémère. Je pense avoir plus d’avenir dans la création. Je n’ai pas envie d’attendre qu’on fasse appel à moi ; j’ai envie d’agir, de monter des projets. Hélène Theunissen (rôle de la mère dans « La Chèvre » et professeur au conservatoire de Bruxelles) m’a dit un jour : « un acteur qui ne pratique pas est un acteur mort ». Je suis d’accord avec cette idée, il faut foncer. Le travail attire le travail, il ne faut pas rester chez soi. Si on veut jouer, il faut remonter ses manches. C’est la seule chance de rencontrer du monde est de rester dans une dynamique.

Que peut-on te souhaiter pour 2004 ?

De rencontrer encore des gens intéressants avec qui je pourrais monter des projets.

Que les rencontres que j’ai faites dans l’année restent solides et pourquoi pas, rencontrer la femme de ma vie...

Propos recueillis par Anne Antoni