Samedi 22 février 2014, par Emmanuelle Conte

Mochélan s’époumone

Dans le cadre du festival KICKS !, l’Eden de Charleroi met à l’honneur Mochélan, jeune rappeur carolo déclamant son amour pour sa ville d’origine, son Pays Noir. Comment la crasse qui colle à la peau d’une ville peut-elle influencer les espoirs des jeunes qui s’y construisent ? Cette question est le point de départ d’un spectacle aux allures de concert, une pièce drôle, intelligente et criante de vérité.

A Charleroi ou ailleurs, Mochélan a déjà fait ses preuves. Jeune artiste carolo, il a déjà reçu plusieurs prix (l’Envol des Cités, Musique à la Française...) lorsqu’il entame la création de ce qui deviendra plus tard le spectacle Nés Poumon Noir.

Son point de départ ? Un contraste fort qui lui saute aux yeux, à la vingtaine, lorsqu’on lui dit qu’il a l’avenir devant lui et qu’il peine pourtant à se créer un futur dans un environnement mort socialement, culturellement et économiquement. Dans ses textes, il met alors des mots sur les soupirs de la jeunesse, sur ses espérances, ses attitudes désinvoltes... parce qu’une jeunesse qui s’en fout, ça n’existe pas.

Sur scène, il raconte un parcours, la traversée d’un individu et ses premières remises en question lorsqu’il est confronté à son environnement. Son débit est rapide, étonnant, et ses mots acérés sont pourtant emplis d’autodérision. Il dit avec humour ce que la jeunesse peine à exprimer.

Ses rimes sont accompagnées par la musique de Rémon Jr., qui parvient à faire résonner les textes, à les rendre plus vivants qu’ils ne le sont déjà. Jeune maître dans l’art de « taper très vite sur plein de petits boutons carrés pour faire de la musique en live » - comme il le dit si bien – il sait également donner une ambiance plus intimiste au spectacle, en y joignant quelques mélodies mélancoliques ou sulfureuses aux claviers ou à l’harmonica.

Sur une mise en scène épurée de Jean-Michel van den Eeyden, et une mise en images du collectif Dirty Monitor, le duo échange, partage, dans un univers excessivement enfumé qui rappelle trop bien la ville industrielle qu’est Charleroi, ce poumon noir de la Belgique. Le spectacle est rythmé, et bizarrement, ne s’essouffle pas. Mochélan enchaîne entre rap et saynètes criantes de vérité et pourtant toujours drôles. D’un geste méthodique, il invite même le public à pousser la chansonnette avec lui.

Ce même public se lèvera d’ailleurs, en fin de spectacle, pour une standing ovation brûlante et méritée. Grâce à ses mots, Mochélan réussi à partager les maux d’une jeunesse à l’aube de l’âge adulte. Son parcours résonne chez tout un chacun, et nous fait redécouvrir Charleroi, nous faisant presque oublier son image peu reluisante. Au sortir de la salle, c’est très certainement un autre regard que l’on posera sur la ville... Et l’on y respire mieux.

Emmanuelle Conte