D’entrée de jeu, un citoyen lambda affirme qu’il devrait être condamné pour la violence dont il a fait preuve. Il détient une participation dans une société ayant provoqué une pollution importante au Nigéria et une autre dans une firme ayant licencié un de ses amis dans le but d’augmenter les dividendes qui lui reviennent. Il a constitué un dossier à charge et le tient à disposition.
Comment cet homme en est-il arrivé là ? Cet homme a suivi « la petite musique proposée par une banque colorée ». Cet homme a écouté la litanie des « mots à placer » : « argent », « avenir », « sécurité », « éthique »... Il a placé son capital dans des SICAV sans s’interroger sur la politique d’investissement sous-jacente.
Mais « cet homme sait qu’il ne sait pas ».
Des vidéos dérangeantes sont projetées en toile de fond, quelques chaises et tables meublent la scène. Les comédiens, rapides et précis (Jérôme de Falloise, Benoît Piret, Aude Ruyter et Damien Trapletti), se partagent les rôles de banquier, client, prospect, gestionnaire de fonds ou consultant. Et la danse folle de chaises et tables sur roulettes donnent le tournis, symbole d’enjeux financiers étourdissants et peu reluisants.
Comme le rappelle Mark Mobius, gestionnaire de Templeton (formidablement interprété par Jérôme de Falloise), le but n’est pas de promouvoir la solidarité. A chacun son métier. Les fonds (assimilés ici à des "hedge funds") doivent être rentables. Ces fonds n’ont cure des catastrophes provoquées par les sociétés dans lesquelles ils investissent et n’ont pas d’états d’âme lorsqu’il s’agit de soutenir le secteur militaire ou le rachat de contrats d’assurance-vie en spéculant sur des décès anticipés.
Alors les quatre vaillants comédiens tentent de trouver une solution. Car il n’est plus possible de fermer les yeux, de continuer à favoriser un système aussi condamnable. Il y a « dilution des risques, pas des responsabilités ».
Françoise Bloch, déjà metteure en scène de « Grow or go » et d’« Une société de service », deux créations qui stigmatisaient le monde du travail, étonne et impressionne par sa façon toute personnelle de témoigner des aléas d’une société à la dérive. « Money ! », fruit d’un travail collectif (avec les comédiens et les vidéastes), réveille les consciences. Un message à haute valeur ajoutée : un spectacteur averti en vaut deux !