Lundi 22 octobre 2012, par Catherine Sokolowski

Mère sans repères

Le titre du nouveau spectacle de la Balsamine s’oppose à l’atmosphère qui s’en dégage. « Ravissement » décrit les affres d’une séparation et les étapes de la reconstruction qui s’en suit. Une mère, devenue célibataire, doit réapprendre à vivre. De l’enfer à la lumière, de la tristesse au bonheur en passant par l’excès, le traumatisme de la séparation est revisité par les sœurs Rullier. Pendant deux heures, au cœur d’une forêt morbide symbole de l’univers mental d’une maman solitaire, de nombreux thèmes sont abordés de manière originale par des comédiens très talentueux mais le résultat laisse un petit goût d’imparfait.

Au départ, une femme décrit ses troubles physiques et mentaux. Sa souffrance semble très profondément ancrée. Elle a perdu ses repères. Cette femme (jouée alors par Marie Bos) a une petite fille (Flore Diesbecq), on les retrouve dans leur appartement, symboliquement résumé à une table, des chaises, un fauteuil et une lampe, au cœur d’une forêt angoissante. Les murs ont disparu, le décor est à la fois hautement symbolique et très réaliste.

Les stades par lesquels elle doit passer sont représentés par des scènes récurrentes au milieu d’arbres sombres. Défilent ainsi deux femmes perdues, cherchant désespérément une issue dans cette nature hostile, une jeune fille observant sa mère dans les bras d’un amant, un père plutôt rassurant, une femme décrivant les plaisirs sexuels qu’elle s’autorise et d’autres références à cette phase transitoire. Un jour, elle retrouve la lumière. Métamorphosée, elle prépare une fête dans son jardin et convie ses voisines. Leurs discussions laissent penser qu’elles sont majoritairement déçues par les hommes, quelle que soit leur situation.

De belles idées métaphoriques dans cette construction, une mise en scène grandiose, des prestations d’acteurs remarquables (prenons la peine de les citer tous : Vanessa Compagnucci, Éric Breton le Veel, Marie-Pierre Meinzel, Guylène Olivares et Regina Röhrer) et pourtant, finalement, un goût d’inachevé. Peut-être qu’ayant été trop plongées dans leur travail, Mélanie et Estelle Rullier ont oublié de prendre le recul de tout un chacun, qui aura sans doute un peu de mal à suivre le puzzle des saynètes (un peu trop nombreuses) sans avoir parcouru un mode d’emploi. Et c’est dommage car ce spectacle est original et humain, tous les stades consécutifs à la séparation son justement évoqués, mais malheureusement pas forcément assez reliés ni assez disséqués et, de là, parfois répétitifs. Un spectacle à apprécier pour l’interprétation très juste et pour son décor percutant.