Dimanche 31 mars 2013, par Blanche Tirtiaux

Méli-mélo in progress

Après Nothing Hurts et Ivanov Remix, Armel Roussel présente dans le cadre de la carte blanche qui lui a été proposée au Théâtre Les Tanneurs Mélo, un work in progress entre lecture et réflexion sur le processus de création artistique.

Après six séances de travail, trois comédiens présentent Mélo comme compte-rendu d’une œuvre en chantier. Un comédien entre sur scène, il incarne Armel Roussel, nous sommes alors plongés au cœur du processus de création d’un produit théâtral. En effet, c’est avec la présentation du travail de Reza Abdoh, metteur en scène irano-américain qui fut pour Armel Roussel d’une grande influence, que commence l’extrait. Le comédien jouant Roussel nous présente d’abord oralement la rencontre d’Armel avec Reza ; des extraits des pièces de ce dernier sont ensuite projetés en fond de scène, créant une déconcertante mise en abyme. Ainsi, le spectateur se voit entrer dans l’itinéraire d’une démarche artistique, découvrant l’admiration d’un artiste pour le travail d’un autre puis l’affranchissement vis-à-vis de celui-ci, cheminant – à l’instar de la pensée créatrice – entre la fascination pour l’autre et l’envie de créer son propre univers.

Ayant initialement voulu reprendre The hip-hop worlds of Eurydice, travail majeur de Reza Abdoh qualifié ici de « tempête scénique », l’équipe de Mélo prend conscience des incompatibilités d’un tel travail avec le leur, et finit par proposer au spectateur une demi-heure de lecture de la correspondance d’Henri Miller et d’Anaïs Nin entre 1932 et 1939. Deux comédiens se renvoient la balle face à l’audience en s’écrivant leur amour, leurs désirs, leurs fantasmes, leurs reproches. Le medium de la lettre nous ramène à un mode de communication aujourd’hui presque oublié, il souligne aussi l’universalité de la thématique des relations amoureuses et ouvre une réflexion sur la passion, le sexe et la mort grâce à un texte touchant et authentique, voire parfois cru dans son érotisme. A certains instants resurgissent encore des références au travail d’Abdoh, symptôme de l’attachement récurrent d’un artiste à l’un de ses maîtres, mais aussi signe de l’importance de la réappropriation dans la mise en place d’une œuvre personnelle.

Certes, moins d’une heure d’un spectacle qui relève davantage de la lecture ne nous permet pas de nous prononcer sur le devenir de la future pièce. Nous apprécions cependant ce récit presque autobiographique d’une création en devenir, cela nous permet, une fois n’est pas coutume, d’assister à l’envers du décor et de faire une incursion dans les doutes et travers propres au processus. En fin de présentation, deux pancartes nous indiquent : « à suivre... » - « peut-être »... L’avenir nous dira si la promesse sera tenue.

Blanche Tirtiaux