Lundi 16 décembre 2013, par Karolina Svobodova

MCBTH : entre théâtre et opéra

MCBTH, sans voyelles, sans une partie du texte, sans les personnages secondaires. Sans beaucoup de sentiments non plus. Une esthétique froide, techniquement irréprochable (du moins si l’on n’est pas dérangé par le symbolisme assez lourd des signes scéniques) : on admire la maîtrise, on admire le travail, mais, de même que les acteurs, on reste finalement de marbre.

On remarquera la prédilection des metteurs en scène pour les adaptations shakespeariennes. On remarquera également les modifications qu’ils font subir aux titres des oeuvres afin d’indiquer d’emblée leur parti pris par rapport à ces dernières. Car il ne s’agit pas de monter des classiques tels quels, mais bien, à chaque fois, d’en révéler un aspect particulier, un aspect qui leur semble essentiel.
Avec MCBTH, Guy Cassiers ne fait pas exception. Abandonnant les voyelles du titre, il dit vouloir désosser l’oeuvre, la réduire à sa quintessence. A cette fin, c’est armé d’une machette qu’il se lance dans le travail d’adaptation. De même que le personnage principal supprime tous ceux qui se trouvent entre lui et le pouvoir, le metteur en scène tranche la chair qui lui paraît superflue. Au final, il ne reste que cinq personnages interprétant une partie du texte.

Mais, contrairement à ce que cette brève description pourrait laisser penser, ce n’est certainement pas un projet minimaliste que nous livre Guy Cassiers. En effet, une fois le squelette de l’oeuvre dévoilé, il fait appel à ses médias de prédilection pour venir le sublimer. Six musiciens, trois chanteuses et des projections presque en continu viennent appuyer et commenter les actions scéniques.
Tous ces médias sont convoqués pour donner à voir et à sentir ce qui se passe dans la tête de Macbeth. En effet, c’est l’imagination de ce dernier qui apparaît comme constituant le cœur de l’œuvre au metteur en scène. En continuité avec ses oeuvres précédentes, il s’interroge sur le pouvoir et plus particulièrement sur la chute des hommes de pouvoir. La chute de Macbeth, son malheur, vient de lui-même et c’est ce que cherche à montrer cette adaptation en insistant sur l’imagination. Ce sont ses propres fantasmes, ses aspirations démesurées qui le mènent à la folie. Si chaque meurtre vise à le rapprocher du pouvoir, c’est, en réalité, dans la folie qu’il le fait sombrer.

Peut-être est-ce pour appuyer cette interprétation que le jeu des acteurs est si distancié. La parole, froide, est désincarnée, les idées sont énoncées mais ne semblent pas être éprouvées par les acteurs. S’il y a une tentative d’empathie entre la scène et la salle, celle-ci ne passe pas par le langage verbal mais bien par la musique et les images scéniques. Je dis bien "si" car le spectateur reste finalement en dehors de ce qui a lieu sur scène. Il est dans une position d’observateur extérieur : il admire la beauté de certaines scènes, la beauté de la musique et la maîtrise technique. Mais rien ne vient l’aspirer dans les tourments des misérables Macbeth, rien ne vient le pousser à s’interroger sur ce qui se déroule devant ses yeux, rien ne le fait vraiment entrer dans l’oeuvre. Dès lors, y a -t-il expérience théâtrale ?
Le trop plein de moyens, la surabondance des signes renferment l’œuvre sur elle-même. Le spectateur en retient-il autre chose qu’un plaisir esthétique ?

Karolina Svobodova.