Vendredi 27 janvier 2017, par Yuri Didion

Lorsque tourne le vent...

A Athènes, Timon est aimé. Il est la définition même de prodigue, la partage est son credo. Il aide tous ses amis dans le besoin, dépense sans compter pour de somptueuses fêtes, et refuse tout remboursement. Mais, tout le monde le sait, c’est lorsque le vent de la fortune change de sens que l’on distingue les véritables amis des flatteurs qui vous tournent alors le dos. Une pièce de répertoire à laquelle De Roovers rend ses lettres de noblesse.

Malgré le titre, la représentation ne repose pas sur les codes du classiques. Le collectif De Roovers - un collectif d’artistes anversois - a fait le choix de réactualiser la pièce. Et c’est un succès : ils donnent à entendre tout ce que la pièce a à nous dire, à nous, hommes du XXIème siècle. Les questions de fidélité, d’honnêteté, de sincérité résonnent malgré deux difficultés : celle de la langue shakespearienne, complexe et ciselée, et celle d’une langue étrangère aux comédiens, puisque ces derniers jouent en français. Si tout cela donne moins à entendre la poésie du texte, cela fait d’autant plus ressortir les grandes idées.
C’est donc une pièce forte, même si elle n’est guère distrayante. Il y a quelques longueurs, surtout dans la première partie, et finalement peu de moments légers, et un certains nombres se perdent dans un jeu qui manque parfois de sincérité. Indice de l’absence d’un metteur en scène, ou d’une différence de code de jeux entre néerlandophone et francophone ? On n’oserait trancher. Néanmoins, c’est également - et surtout - une pièce qui permet de penser le théâtre, de réfléchir sur ce qu’il peut nous dire aujourd’hui, et comment.

Du point de vue scénographique, les choix sont parfois tout à fait dérangeant, mais prennent clairement leur sens dans l’ensemble du spectacle. Beaucoup d’accessoires, de costumes, d’éléments de décors chargent la scène et donnent une impression parfois un peu étouffante, notamment l’immense lustre qui symbolise plus tard le chaos, la rage, la destruction d’une certaine naïveté. Tout cela contribue pourtant à questionner le théâtre en lui-même : qu’est-ce qui est nécessaire, utile, anecdotique ? Autant de question que De Roovers soulève, en laissant au public la liberté de choisir.

Depuis quatre ans que je vais au théâtre régulièrement, je n’ai eu que peu d’occasion de voir jouer un Shakespeare. Et souvent, c’étaient les "grandes pièces" : Richard III, Roméo et Juliette ou encore Le Roi Lear. C’est donc un plaisir de se rappeler qu’il y a encore un intérêt à reprendre les tragédies à l’antique, même les moins connues. Décidément, le Grand Will aura toujours plein de choses à nous dire.