Les voies sauvages

Bruxelles | Théâtre | Le Rideau

Dates
Du 18 au 30 septembre 2018
Horaires
Tableau des horaires
Rideau de Bruxelles @ Les Brigittines
Petite Rue des Brigittines 1000 Bruxelles
Contact
http://www.rideaudebruxelles.be
contact@rideaudebruxelles.be
+32 2 737 16 00

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Les voies sauvages

C’est l’histoire d’un homme qui parcourt tous les sommets de plus de 4000 mètres dans les Alpes. Il y en a 82. Un prétexte à voyager, à nourrir son désir de dépouillement et d’absolu... À partir d’entretiens avec l’alpiniste belge Dominique De Staercke, Régis Duqué propose une pièce qui parle d’engagement et d’esprit d’aventure. Une confession intime, tout en proximité avec le spectateur.

À l’origine des Voies sauvages, il y a un prétexte pour passer du temps avec un ami, Dominique De Staercke, et le faire parler de son parcours d’alpiniste, de sa vie avec la montagne. Je sais qu’il a des histoires à raconter.
Mais je sais aussi qu’il a une parole, que cette parole met en forme son point de vue sur le monde, qu’elle trouve des résonances en moi, moi qui ne suis pas alpiniste, moi qui bourre mon sac de choses inutiles quand je pars en randonnée, moi qui emballe mes chaussettes dans des sacs en plastique [scritch scritch], moi qui, comme tout le monde, connaît la peur du manque. Patiemment, mot à mot, j’ai retranscrit ces nombreuses heures d’entretiens.
Et j’en ai fait un texte de théâtre.

RÉGIS DUQUÉ

Distribution

DOMINIQUE DE STAERCKE (d’après ses récits) / RÉGIS DUQUÉ (écriture, mise en scène et espace scènique) / Avec CÉDRIC JULIENS.

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Lundi 24 septembre 2018, par Titiane Barthel

Sur le faîte

Seul comme un alpiniste au milieu du plateau, Cédric Juliens livre avec finesse et profondeur le texte que Régis Duqué a tiré de ses entretiens avec l’alpiniste Dominique de Staercke. Un remarquable exercice de courage.

Cédric Juliens demeure dans l’ombre à l’entrée du public, tapi en arrière-scène, se préparant à une heure d’adresse directe, en face-à-face avec le spectateur. À l’instant où celui-ci fait volte-face et marche droit vers nous, le voyage est lancé. Nous plongeons dans les souvenirs de l’alpiniste belge Dominique de Staercke, connu pour être un champion des 4000 mètres des Alpes. Mais cette histoire d’une vie n’est pas un simple catalogue de performances sportives : c’est la découverte de la construction d’un homme, par et pour la haute montagne. Au fil des sommets parcourus, nous suivons l’évolution d’un apprenti alpiniste jusqu’à un alpiniste retiré, offrant son regard sur notre rapport à la nature, au courage, à la peur, au danger, au désir, au bonheur.

Oscillant entre simplicité et folie, Cédric Juliens accomplit ici une remarquable performance d’acteur, parvenant à faire exister sous nos yeux un sentiment de déséquilibre constant. Le spectateur est placé en suspens, comme sur un fil, à l’affût de chaque mot prononcé par le comédien. Avec humour et tendresse, celui-ci fait parfaitement exister la parole de cet alpiniste mise en forme par Régis Duqué. On sera particulièrement sensible à la place du témoignage que Cédric Juliens laisse perceptible : s’il est présent comme comédien au plateau, la parole de Dominique de Staercke à laquelle il prête sa voix demeure flottante, comme un emprunt, léger et tendre. Ces souvenirs vivaces, apparaissant en un éclair puis effacés d’un revers de main par le comédien sont tous plus passionnants les uns que les autres, des méthodes de progression, jusqu’aux métaphores, de l’engagement et des sommets, de la peur et du lâcher-prise, jusqu’à l’acceptation de l’échec. Il existe un phénomène particulier dans l’alpinisme : le manque à la redescente, le désir violent et impérieux de remonter, de retourner à la haute montagne, aussi mortifère que profond. En suivant chacun des pas que trace Dominique De Staercke, le spectateur se retrouve dans cette même position d’attente, de manque, d’exaltation, à chaque étape de l’ascension prononcée par Cédric Juliens. On regrettera peut-être un déséquilibre entre des moments de mise en scène d’une grande justesse, tels que les livres transformés en arrêtes de glaciers, une adéquation quasi totale entre le récit et le corps du comédien, et des instants de vide où le récit devient trop explicatif, diminuant la puissance de l’instant poétique qui l’a précédé. Pourquoi, par exemple, ne pas finir le spectacle en nous abandonnant à cette vision majestueuse de Cédric Juliens empli de la vision de la lune après son dernier 4000, plutôt que de nous ramener à la quotidienneté de sa vie d’alpiniste retiré, rangé et marié ? Mais peut-être ce choix-là fait-il partie de la redescente, une manière de ramener le spectateur au réel, simple et humain.

On saluera également le travail monumental à la lumière et au son de Dimitri Joukowsky et Guillaume Istace, faisant exister autour de Cédric Juliens l’atmosphère pesante de la haute montagne, non pas en imitant cet environnement, mais en jouant sur la perception du spectateur, nous maintenant en permanence dans un état d’instabilité et de grand bonheur. La lumière est notre rythme, nous plaçant en haut du glacier puis de retour dans le bureau de Dominique De Staercke. Le choix musical est particulièrement poussé, laissant de l’Oraison pour Ondes Martenot de Messiaen un souvenir pénétrant. À cet égard, Dimitri Joukowsky et Guillaume Istace construisent un équilibre parfait dans la place laissée au jeu de l’acteur, et la création d’un univers autour de lui. Au fil de cette aventure, Cédric Juliens est premier de cordée, et nous suivons, juste derrière.

Le Rideau