Mercredi 7 octobre 2009, par Caroline Paillard

Les quatre fantastiques

Forest, Peelaert, Cuvelier et Crepax partagent leur audace avec nous jusqu’à la fin de l’année. Invitation à accepter sans hésiter : les fondateurs de la BD sexuée méritent le détour. Pour la qualité artistique de leur travail, parce que leur œuvre témoigne de l’évolution des mœurs à partir des années 60, mais surtout pour l’agréable moment que cette expo nous fait passer.

Ambiance sixties d’entrée de jeux, l’environnement sonore mérite déjà le déplacement. Brigitte Bardot, Françoise Hardy, Serge Gainsbourg, les Doors, les Beatles & autres groupes mythiques nous donnent envie de franchir les quelques mètres qui nous séparent des encres de chine dont on devine l’intensité artistique.

Le premier espace est consacré à Jean-Claude Forest, honneur aux courbes dans tous les coins, marque de fabrique du brillant dessinateur français. On partage l’univers de Barbarella avec légèreté et désinvolture, à la découverte de la multitude d’androïdes sortis de l’imagination hors-pair de ce scénariste incontournable.

C’est dans le monde du belge Guy Peelaert que nous évoluons ensuite. Le créateur de Jodelle et de Pravda la survireuse, s’inspirant respectivement de Sylvie Vartan et Françoise Hardy, nous plonge dans un bain de pop art. Même s’il fut bref, le passage de cet artiste dans la BD (années 60) nous laisse des chefs-d’œuvre inoubliables. On aimerait d’ailleurs que l’ensemble de son travail soit exposé, et notamment ses incursions dans le monde du rock dans les années septante (illustration de la pochette de Diamond Dogs de David Bowie) ou dans le monde du cinéma (affiche de Taxi Driver de Martin Scorsese), dommage qu’il faille se limiter à la BD.

Erotisme encore, mais à la sauce mythologique, chez Guy Cuvelier. Le père de Corentin (1946) à qui Hergé déclara qu’il n’avait rien à lui apprendre, a changé de style en 1968, quand il devint le dessinateur d’Epoxy dont les scénarios sont rédigés par Jean Van Hamme. Quelques sculptures décoratives contribuent à nous imprégner de l’univers imaginaire de notre compatriote.

Mais la palme revient, selon nous, à l’atmosphère dégagée par l’espace Guido Crepax. Noir et blanc à l’honneur, ses trois muses, Louise Brooks, sa nièce Luisa Crepax et son héroïne Valentina, nous accueillent d’un regard sombre. Ecartèlements, coupures, pratiques sadiques et fétichistes, que l’on aime ou pas les inventions alambiquées de cet italien qui se prédisposait à une carrière d’ingénieur, on ne reste pas insensible à la présentation de son œuvre.

En conclusion, une expo à ne pas manquer, pour découvrir ou se rappeler l’apport artistique de la BD érotique, pas toujours reconnue à sa juste valeur.