Les Naufragés

Namur | Théâtre | Théâtre de Namur

Dates
Du 10 au 12 octobre 2019
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre de Namur
Contact
https://www.theatredenamur.be/
billetterie@theatredenamur.be
081 22 60 26

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Les Naufragés

Nous les côtoyons tous les jours. Souvent ils sont ivres et peinent à mendier. Ils sentent mauvais, vocifèrent et font peur. Nos regards se détournent. Qui sont ces marginaux aux visages ravagés ? Ce sont les clochards. Fous d’exclusion. Fous de pauvreté. Fous d’alcool. Et victimes surtout. De la société et de ses lois. Du marché du travail et de ses contraintes. Patrick Declerck a suivi les clochards de Paris pendant quinze ans. Incognito, en immersion complète, il partage leurs nuits… Un patient l’obsède encore : Raymond qui était devenu son ami. Raymond qui s’est laissé mourir devant le centre d’accueil, une nuit d’hiver et dont le corps a disparu. Après sa mort, Patrick va mener l’enquête, essayer de comprendre et tenter de retrouver sa dépouille. Sublime !

Quelle est la réplique qui vous bouleverse le plus dans ce spectacle Emmanuel Meirieu ?
« Un jour, tout disparaîtra. Chaque brin d’herbe. Chaque fleur. Oiseau, poisson, insecte, mammifère, nuage, goutte d’eau.
Un jour, notre soleil va mourir, et on le sait. Moi je pense à ça chaque fois que mon regard se pose sur une chose : Tout périra. »
Que défendez‐vous ? L’émotion.
Avez‐vous un bon conseil à donner à vos spectateurs ? Accepter l’émotion.

Distribution

D’après le roman Les naufragés, Avec les clochards de Paris de Patrick Declerck Mise en scène Emmanuel Meirieu Adaptation François Cottrelle et Emmanuel Meirieu Musique Raphaël Chambouvet Costumes Moïra Douguet Maquillage Roxane Bruneton Lumière, décor, vidéo Seymour Laval et Emmanuel Meirieu avec la collaboration de Jean-Michel Adam Son Raphaël Guenot

Avec François Cottrelle, Yann Pairel

Equipe technique en tournée :

Régie lumière, vidéo et plateau Seymour Laval / Emmanuel Meirieu Régie son Raphaël Guenot Maquilleuse Emmanuelle Gendrot

Production Bloc Opératoire ; Théâtre Comédie Odéon Coproduction Les Nuits de Fourvière

La compagnie Bloc Opératoire est conventionnée par la Drac Rhône Alpes et la Région Auvergne Rhône Alpes, et soutenue par la Ville de Lyon

Production déléguée en tournée C.I.C.T. – Théâtre des Bouffes du Nord & Bloc Opératoire

Réalisation du bateau ateliers Jipanco

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Mardi 15 octobre 2019, par Yuri Didion

En perdition ?

Dans le roman "Les Naufragés", Patrick Declerck, psychanalyste et ethnographe atypique, relate son expérience avec ceux qu’il appelle les "clochards de Paris". En mars 2018, soit environ quinze ans après la parution du roman, Emmanuel Meirieu en signe l’adaptation pour la scène. Un spectacle sur trame sociétale qui pose donc beaucoup de questions. Au centre de celles-ci, et donc de l’analyse : ce spectacle est-il objet artistique avant d’être une manifestation de politique sociale, ou l’inverse ?

Emmanuel Meirieu opte ici pour une scénographie monumentale, construite sur une esthétique de l’épave : une immense proue de navire rouillée, une chaise métallique bancale, une carcasse de voiture. Et du sable, beaucoup de sable. Au centre-avant de la scène, un micro sur son pied qui attend un comédien.
Dès le début du spectacle, la scène s’illumine de plusieurs projections audio-visuelles. La plupart s’appuient sur le navire comme sur un écran : titres, tags sinistres, lieux évoqués par le texte, quelques vidéos.
Il y a également - soulignons la prouesse - une marée plus vraie que nature qui vient lécher les carcasses et transforme soudain la scène en plage de naufrage. L’effet est fantomatique et saisissant.

Mais, toute vue esthétique mise à part, la question de la nécessité se pose, et gagne en importance avec le texte : le symbole du naufrage et le thème de la précarité évoquent immanquablement les problématiques migratoires, qui ne sont jamais abordées dans le texte, et une telle installation semble un peu démesurée dans un spectacle avec ce fond social. D’autant que la mise en scène, en jouant sur l’écart entre ce qui est dit et ce qui est visible, ne dépasse pas ce stade de "suggestion par l’image" : l’objet n’est jamais utilisé, manipulé en tant que ce qu’il est, ni détourné. Ce n’est pas non plus un appui particulier pour le jeu. Il ne sert jamais, et c’est dommage, que de décor-tapisserie derrière un comédien seul.

Comédien qui fait d’ailleurs un travail très intéressant. À l’interprétation, François Cottrelle se met au service du texte et joue la carte du témoignage : il vient au micro raconter une histoire à la première personne. Il est évidemment impossible d’oublier la théâtralisation, dans le cadre d’une grande salle comme celle du Théâtre de Namur ou avec un imposant dispositif scénique qui crée une image onirique. Mais cela ne l’empêche pas d’atteindre, avec une retenue qui en augmente l’intensité, de beaux accents de sincérité, surtout dans la seconde moitié du spectacle. En toute fin, il est soutenu par Yann Pairel qui donne, à la réplique finale du "Songe d’une Nuit d’Été" de Shakespeare, une gravité inhabituelle mais très juste.

Enfin, le texte est une adaptation du roman éponyme de Patrick Declerck publié en 2003, où il relate son vécu "avec les clochards de Paris" à travers deux moments importants : son immersion sous couverture à la Maison de Nanterre, et son emploi dans cette même maison quelques années plus tard.
Mais le personnage qui est présenté dans cette adaptation est cynique, désabusé, et presque pleurnichard. Il n’y a d’espoir, de positif, de "bien" d’une quelconque forme dans aucune des situations décrites.
Entre les soignants qui cognent les SDF, les sans-abris qui jouissent de l’inquiétude qu’ils créent chez les travailleurs, les assistants sociaux qui projettent leur propre désir sur les bénéficiaires, les autres employés qui ne collaborent pas, non seulement il ne prend jamais sa part dans le sinistre qu’il décrit, mais il ne le met jamais à distance non plus par une analyse ou une démarche de réflexion... Difficile, face à un tel personnage, de s’identifier ou même de se mettre dans une position de disponibilité et d’écoute. Si ce récit relève sans doute d’une réalité vécue par l’auteur, le public prend rapidement une distance de confort en concevant que c’est une part de la réalité interprétée par une subjectivité unique.

Le texte contient également un autre point d’accrochage : les femmes en situation de précarité n’y sont abordées que par leur relation (sexualisée) aux hommes. Or, c’est un fait établi : "les représentations associées aux sans-abri demeurent largement focalisées sur l’expérience des hommes." (Marcillat A., "Femmes SDF : de plus en plus nombreuses et pourtant invisibles", à lire ici=> http://bit.ly/f_sdf001) et cela entraîne une double précarisation pour cette catégorie de population.
La saison 2018-2019 a vu un mouvement de sensibilisation assez fort sur cette problématique, porté par des associations comme "Femmes SDF" ou encore "FIT une femme un toit", et des artistes comme Claire Lajeunie et Louis-Julien Petit (dont le travail a donné le film "Invisibles").
Alors certes, le texte commence à dater, et les faits relatés plus encore sans doute. Mais c’est peut-être justement le soucis : de l’eau a coulé sous les ponts depuis, et monter ce texte sans montrer ou rappeler cet écart temporel ou tenir compte de l’évolution qui a eu lieu, c’est nier un travail important qui, pourtant, va dans le sens du propos, va dans le sens d’une évolution sociale vers la parité pourtant actuellement très importante. C’est oblitérer le travail de ces associations qui soulignent justement que le manque de visibilité des femmes SDF participe de leur précarisation.

La question reste ouverte, donc : la problématique sociale, présente du début à la fin, fait-elle vraiment partie du projet d’adaptation ?

Théâtre de Namur


Place du Théâtre, 2
5000 Namur