Le verfügbar aux enfers, une opérette à Ravensbrück

Woluwe-Saint-Pierre | Théâtre | Comédie Claude Volter

Dates
Du 11 au 28 octobre 2017
Horaires
Tableau des horaires
Comédie Claude Volter
Avenue des Frères Legrain, 98 1150 Woluwe-Saint-Pierre
Contact
http://www.comedievolter.be
secretariat@comedievolter.be
+32 2 762 09 63

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Le verfügbar aux enfers, une opérette à Ravensbrück

Par le rire et sans concession, cette opérette satirique décrit la vie des déportées. Écrite à Ravensbrück, l’auteur avait choisi des mots qui résonnent pour redonner espoir et courage à ses camarades de camps.
Avec une profonde volonté de transmettre cette Résistance, quatre lumineuses comédiennes chantent et dansent pour défier la mort, la barbarie, l’innommable ...

Distribution

Avec : Sophie MARÉCHAL, Marion NGUYEN THÉ, Marie SIMONET, Marion VAN DER HAEGEN, Mise en scène : Marion PILLÉ, Assistanat à la mise en scène : Noémi KNECHT, Musique : Simon BESÈME, Lumière : Clément BONNIN, Scénographie & costumes : Élisabeth BOSQUET, Marionnettes : Sylvie LESOU, Benjamin RAMON et Marie SIMONET, Maquillages : Daphné DURIEUX, Conseil voix : Hughes MARÉCHAL, Coach marionnettes : Patrick RABIER, Coach corps : Hélène FERRACCI

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Samedi 14 octobre 2017, par Dominique-hélène Lemaire

Le Rire : technique de survie communautaire

ou ...levain de survie, ou ...miracle de l’humanité

« Faire rire, rire de soi et transmettre l’information, trois actes de résistance en situation extrême : telle est la performance de Germaine Tillion » lit-on dans la préface de l’œuvre aujourd’hui conservée au musée de Besançon. Dans son combat humaniste, Germaine Tillion s’emploie dans l’écriture clandestine à exposer la logique concentrationnaire et à l’objectiver, ce qui donne des clés pour y résister. La prisonnière politique étiquetée NN « classe, distingue les catégories de détenues, leurs statuts, leurs nationalités, leurs appartenances sociales. Elle note les proportions, remarque les différents taux de survie et cherche des explications. » Face à l’horreur, à l’oppression, à l’anéantissement, se moquer de soi est une ultime affirmation de soi. Par dérision, Germaine Tillion utilise une forme ô combien irrévérencieuse pour traiter d’un sujet aussi grave. Son opérette-revue pastiche l’Orphée aux Enfers d’Offenbach. La parodie fourmille de souvenirs littéraires ou musicaux, question de maintenir la dignité humaine par le jeu du texte et l’évocation de musiques évanouies.

Ainsi, elle met en scène un savant d’opérette, spécialiste en histoire naturelle, qui fait semblant de décrire une nouvelle espèce biologique : le Verfügbar, organisme étrange dont la vie d’avant constitue la phase embryonnaire, éclot à son arrivée dans le camp nazi de la mort, et ne peut espérer qu’une longévité fort réduite, de plus ou moins trois ans selon les cas. Son mode de vie est décrit sous forme de sketchs émouvants et burlesques. On pourrait se demander s’il fait partie des vers luisants, puisqu’il éclaire tant dans la nuit et le brouillard ? Pourtant, son humour est très noir : « Et quand le train s’est arrêté, On ne m’a pas demandé mon billet ..., Mais malgré le plaisir de la nouveauté, J’aurais bien voulu m’en aller ... » Il est le miroir dans lequel se reflètent les innommables souffrances des détenues…

La performance de la compagnie des Souffleuses de chaos est extrêmement fidèle au texte et aux annotations musicales de Germaine Tillion, dont parents étaient de grands mélomanes. Elle ressuscite des chansons populaires, des airs d’opéra comme substrat musical, un humus d’émotions confisquées par l’environnement concentrationnaire. Le quatuor aguerri – Alizée GAYE, Marion NGUYEN THÉ, Marie SIMONET & Tiphaine VAN DER HAEGEN – a mis deux ans de recherche approfondie, d’affinement et de modulation sous la direction de Marion Pillé. On se trouve aujourd’hui devant une œuvre vivante, digne et esthétique. Sur scène, on assiste à une explosion de sensibilités féminines qui partagent avec ferveur un crescendo de douleur mais aussi d’espoir. Paradoxalement, on finit par concevoir que ressentir la douleur prouve que l’on est d’ailleurs encore vivant !

Le contraste est fort troublant entre les maquillages de geishas, les coiffures sophistiquées, les superbes robes froufroutantes de taffetas noir qui mettent en valeur bras nus et jambes gracieuses et ...les poignantes marionnettes efflanquées en pyjama rayé qui miment la détresse des françaises rebelles. Il y a tant de vie et d’humanité dans la manipulation vivante de ces poupées de chiffons ! Comme si chaque comédienne se penchait avec immense compassion sur chaque prisonnière, à la manière d’une fée salvatrice et lui donnait une force expressive mystérieuse. Il y a tant d’intensité dans le jeu des comédiennes lorsqu’elles se lâchent dans leurs danses à la vie ! Il y a tant de vérité à l’abri du rire dans le texte ! Il y a tant de mots qui finissent par désarmer le Mal… Les voix des choristes sont fraîches, vibrantes et tendres mais stridulent aussi, de manière lugubre, dans la nuit avec de lumineux relents de chœurs antiques. Les chorégraphies crépitent d’énergie vitale, les corps sont en perte d’équilibre, s’effondrent, les visages se tournent vers le ciel absent. ...Serons-nous les aveugles de Breughel ? Les effets chorégraphiques bouleversants sont portés et démultipliés par la musique nuancée du pianiste qui joue dans l’ombre. L’esthétique du texte souterrain donne la main à la dramaturgie des jouvencelles d’aujourd’hui et allume dans le cœur et l’esprit, le rejet incontournable et définitif de la barbarie.
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Dominique-Hélène Lemaire

Comédie Claude Volter