Jeudi 20 décembre 2012, par Karolina Svobodova

Le théâtre pour survivre

On ne peut pas connaître le théâtre de Pippo Delbono sans connaître un peu l’histoire de la vie de ce chef de file du théâtre italien. L’un et l’autre sont intrinsèquement liés ce que les programmateurs ne manquent jamais de nous rappeler. Mais entre connaître quelques étapes, voire même une bonne partie de la biographie et l’entendre raconter par l’homme lui-même il y a un grand pas que je suis contente d’avoir franchi hier soir, au théâtre des Tanneurs.

Seul sur scène, assis sur une chaise, le micro collé au coin des lèvres, Pippo Delbono se livre aux oreilles avides et, pour la plupart d’entre elles, conquises d’avance des spectateurs. Un public complice réuni pour entendre parler cet homme qu’il connait et qu’il aime, pour l’entendre se confier, tantôt avec douceur, tantôt par des cris. Le français et l’italien se mélangent lors de cette conférence/représentation, les anecdotes drôles et les réflexions graves se succèdent pendant une heure et demie. C’est long, on ne comprend pas toujours tout, on perd parfois le fil : il y a tellement de choses qui sont dites dans ce français souvent écorché, tellement de choses dites très vite que l’on a du mal à suivre.

Est-ce grave, voire même dérangeant ? Ce serait se formaliser pour peu. Parce que l’essentiel c’est le corps de cet homme face à nous, ce corps qui danse, encore une fois, la chorégraphie conçue lorsque l’artiste n’arrivait presque plus à marcher. C’est ce regard doux qui se fait violent, cette voix affirmée qui se met à trembler un peu.

Pour parler de sa vie, Pippo Delbono convoque les textes de Sarah Kane, Shakespeare, Pasolini, ces artistes qui l’ont accompagné tout au long de son existence, ces mots qui l’ont soutenu aux moments où tout semblait s’écrouler. On comprend que pour cet homme le théâtre est une bouée, de l’air frais, de la nourriture... Que sans le théâtre, il ne serait peut-être plus là.

Le spectacle se finit sous un tonnerre d’applaudissements. Certes, le public applaudit la performance mais très vite, c’est surtout son soutient et son amour qu’il communique ainsi à l’artiste. Un moment émouvant pour clôturer ce spectacle pour âmes sensibles.

Svobodova Karolina.