Jeudi 27 septembre 2012, par Samuël Bury

Le silence est dehors


Un road movie sur les planches, c’est vrai qu’on n’en voit pas souvent. Sensationnel en plus, dans le sens où toute la mise en scène concourt à un effet direct et fort sur le public. Au moyen surtout d’images projetées, de chant lyrique, de son et de fumigènes. Mais aussi à travers le jeu à la fois brut et voluptueux de Viviane De Muynck, on y croise des gens, reliques d’un passé révolu, individualités isolées et enracinées dans un temps qui n’existe presque plus.

On commence avec l’évocation de Maria Becket, danseuse, actrice, chorégraphe et peintre qui a installé son propre théâtre (le Amargosa Opera House) à Death Valley Junction, Californie. Dans une scène très intime et sombre se détache une poésie mystique à propos de cette étrange personne au destin surréaliste. Fabrice Murgia introduit sobrement son univers.
A cette histoire singulière succèdent ensuite d’autres récits de « retranchés de la vie », de ces gens qui habitaient de façon entière une époque prospère aujourd’hui bien étiolée.
Des souvenirs qui s’enchaînent, se racontent en surbrillance, à l’écran. A cette époque dorée, ils ont substitué une forme de sagesse, une solitude à vrai dire où le silence est d’or lui aussi, mais d’où une certaine tristesse s’échappe et laisse entrevoir les regrets.

Le tableau n’est pas forcément pessimiste pourtant. Il nous dévoile une certaine réalité sous un certain regard. Une micro-réalité sous un regard en quête de sens presque ontologique. Tout cela est beau et naïf aussi. Comme d’avoir choisi une comédienne âgée confrontée à des personnes de sa génération. On touche ainsi davantage au sensible qu’à la réelle volonté de compréhension.

On est frappé aussi dans Ghost road par une grande esthétique visuelle et sonore, qui n’est pas innocente tant elle sublime le propos. Du minimalisme scénique émane de la pureté et peut-être l’impression de se retrouver dans une parenthèse temporelle. Les nombreux moniteurs posés sur de longs et fins pieds à différentes hauteurs sont à l’image des gens et ils reproduisent leurs voix. La chanteuse lyrique (Jacqueline Van Quaille) synthétise, elle, certaines paroles dans un jeu de double.
Inévitablement, on ne peut qu’être séduit par cet étalement de moyens tous très bien maîtrisés.
Mais (parce que rien n’est heureusement jamais parfait), la pièce y perd sans doute un peu en contenu. Pas que les paroles de tous ces personnages soient creuses mais ceux-ci se racontent sans doute plus qu’ils ne vivent. Sans doute une question de parti pris et là, no comment…