Vendredi 13 novembre 2015, par Catherine Sokolowski

Le groupe sous la loupe

Dans un joli désordre organisé, le Raoul Collectif propose une réflexion à la fois subtile, ludique et burlesque sur l’affrontement de courants sociopolitiques opposés dans un contexte de mondialisation. Mais s’affrontent-ils ? Sur la question de l’argent, la gauche et la droite se rejoignent : ne dit-on pas que l’argent fait le bonheur ? Si l’individualisme gagne du terrain sur la solidarité, ce n’est certainement pas l’image que nous renvoie le Collectif, très soudé pour atteindre ce délicieux niveau de dérision intelligente. Savoureux.

Ce spectacle trouve son origine dans le précédent (« Le signal du promeneur ») mais ne fait pas suite à ce dernier : il serait dommage d’éloigner les néophytes. Dans cette nouvelle création, cinq chroniqueurs se partagent le micro d’une émission de radio un peu désuète dont l’heure de fin a sonné. Entre les sujets proposés, les auditeurs peuvent intervenir, c’est le cas d’une fidèle auditrice, Benoite Grillou, qui suggère une réflexion sur la cohabitation de deux animaux dans un pré. Après quelques échanges cocasses, retour à l’essentiel « La vache est-elle un loup pour le cheval ? ».

Le ton est donné, les sujets se succèdent, c’est ainsi qu’après l’évaluation du bonheur dans le pré, le groupe étudie la privatisation des rivières et passe en revue les animaux en péril, avec toujours une petite pincée d’absurdité loufoque. Les séquences sont suivies d’une excellente petite synthèse de l’un des intervenants, Claude (alias Jérôme de Falloise) qui, à elle seule, vaut le détour.

Ce groupe si soudé au départ va lentement se désolidariser et c’est là l’objet du débat. Non seulement, la tendance politique des protagonistes les amène à se distinguer mais il y a aussi, bien sûr, les (més)ententes inhérentes aux relations humaines. Pourtant, malgré les distorsions, le groupe est là, persiste et dure. Attention, « There is no alternative ! » rappelle la blonde Tina (Benoît Piret), symbole du modèle économique libéral et fille de Margaret Thatcher : le capitalisme et la mondialisation sont inéluctables, la Grèce vient d’ailleurs de le démontrer.

Laissant une place à la musique et au chant, le groupe - et à travers lui l’idée de solidarité - est à l’honneur dans ce spectacle anti-aliénation qui se laisserait bien aller à refaire le monde en passant en revue diverses influences, sources inépuisables d’idées, dont la Société du Mont-Pèlerin avec Hayek ou Friedman et le situationnisme. Le Collectif a d’ailleurs opté pour "Raoul" en hommage à Raoul Vaneigem. Sur la scène, cinq metteurs en scène transformés en acteurs, mais aussi intervenants du monde réel grâce au questionnement qu’ils suscitent comme une porte ouverte vers d’autres modes de vie, plus solidaires et plus joyeux ! Un régal.