Le Pélican

Ixelles | Théâtre | Théâtre Varia

Dates
Du 14 au 25 novembre 2017
Horaires
Tableau des horaires
Théâtre Varia
Rue du Sceptre, 78 1050 Ixelles
Contact
http://www.varia.be
reservation@varia.be
+32 2 640 35 50

Moyenne des spectateurs

starstarstarstar-halfstar-off

Nombre de votes: 9

Le Pélican

Cette adaptation confronte une famille dysfonctionnelle à ses démons : une mère et ses deux enfants au teint clair, un gendre à la peau noire, une femme de ménage aux cheveux frisés. Et un père. Mort.

A peine ce dernier enterré, les membres de la famille s’affrontent. Il y a du cauchemar éveillé et du conte sanglant dans ce règlement de comptes où chacun joue sa partition de l’égoïsme et du ressentiment. Il y a aussi dans cette histoire d’adultes prédateurs et d’enfants sacrifiés, les relents d’une antique filiation de monstres et les senteurs de notre société actuelle.

Flash-backs, ambiances sonores, jeux d’ombres et de lumières troublent la perception des secrets enfouis, des rancunes sourdes qui refont surface et hantent les acteurs comme dans un rêve. Il s’agit pour chacun de survivre. Est-ce possible de résister à la perte de ses illusions pour continuer à vivre ensemble et recréer du lien ?

Distribution

AVEC Chloé de Grom, Sanders Lorena, Catherine Salée, Yamina Takkaz, Julien Vargas | SCENOGRAPHIE, CREATION LUMIERES Katrijn Baeten, Saskia Louwaard | CREATION SON, MUSIQUE Jean-Pierre Urbano | COSTUMES Emilie Jonet | MAQUILLAGE Marie Messien | DRAMATURGIE Jeanne Dandoy, Lionel Ravira | ASSISTANAT Judith Ribardière | ADAPTATION, MISE EN SCENE Jeanne Dandoy

Laissez nous un avis !

5 Messages

  • Le Pélican

    Le 15 novembre 2017 à 12:09 par Colette

    Le Pélican est un huis-clos glaçant. Jouée pour la première fois en novembre 1907, cette pièce semble avoir été écrite pour notre époque grâce à la remarquable adaptation qui en a été faite. La psychologie des personnages est soigneusement travaillée et montre toutes les contradictions et équivoques qui habitent l’âme humaine. Les acteurs incarnent profondément leurs personnages.

    La scénographie est vraiment excellente. J’ai beaucoup apprécié les jeux d’ombre et de lumière. Le coloris pastel des décors et des costumes apporte une note de poésie et de douceur dans un contexte de violence familiale.

    Répondre à ce message
  • Le Pélican

    Le 15 novembre 2017 à 16:44 par sebastien

    Magnifique spectacle. A ne pas manquer !!! Les acteurs, la scénographie, l’ambiance sonore et la mise en scène convergent pour nous donner à vivre une expérience intense avec les distance qu’il faut pour traiter ce genre de thématique.

    Répondre à ce message
  • Le Pélican

    Le 18 novembre 2017 à 14:58 par loulou

    Je n’ai pas vraiment accroché au spectacle ;je crois que c’est principalement dû à la mise en scène que j’ai trouvée trop "éclatée".En fait je crois que c’est l’utilisation d’un immense espace qui m’a gênée ;pour ce huis-clos je voyais une mise en scène plus intimiste.

    Répondre à ce message

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
    Se connecter
Votre message

Dimanche 19 novembre 2017, par Jean Campion

Le Déni, un poison mortel

Admiratrice du théâtre et des journaux intimes d’August Strindberg, Jeanne Dandoy a joué "Mademoiselle Julie" et travaillé, à deux reprises, avec ses étudiants, "Le Pélican". Sans raisons précises, cette pièce l’attire. Elle a pourtant de gros défauts : absence d’intrigue, répétitions lassantes et misogynie exaspérante. Aussi l’adaptation de Jeanne Dandoy modifie profondément l’oeuvre de Strindberg. Ce n’est plus le portrait à charge d’une mère égoïste et cruelle, mais un drame familial, dont tous les personnages sont ambigus. Confrontés à "leurs démons refoulés", ils se voilent la face et s’enlisent dans le déni. Seront-ils capables de le surmonter, pour se réapproprier leur vie ?

S’interrogeant sur la manière dont la mémoire sélectionne les souvenirs, Fredrick constate que les moments joyeux lui ont échappé : "Seules les plaies semblent s’être gravées durablement en moi." Paroles douloureuses qui se fondent dans une atmosphère glaciale. Au centre d’une grande pièce, un cercueil gris surmonté d’un casque colonial. Le décès suspect du père paralyse la famille. On vit sous scellés. La veuve tente de sauver les apparences. Mais ses vagues promesses ne rassurent pas la bonne, angoissée par son avenir. Et c’est en vain que son fils Fredrick réclame de l’argent pour ses études ou son costume d’enterrement. Gerda, sa fille, subit tout autant sa domination. Lorsqu’elle revient de voyage, sa mère manipulatrice n’a d’yeux que pour Axel, son gendre, qui lui fait des confidences sur son couple. Une complicité malsaine, qui pousse Gerda à se réfugier auprès de Fredrick, son jumeau.

Elle est comme une somnambule. Si on la réveillait, elle ne pourrait plus vivre. Son frère la tranquillise. Les parcours des grands criminels, révélés par ses études de droit, lui ont montré que "nous vivons tous comme des somnambules." Révolté, Fredrick noie son dégoût de l’existence dans l’alcool. Il se soûle aussi de paroles et se défoule, en narguant le racisme des colons. Une lettre laissée par le défunt bouleverse cette famille tétanisée, provoque un règlement de comptes et suscite plusieurs questions. La remontée de secrets enfouis et les confidences au public dévoilent la complexité de chaque personnage. On révise ses jugements. Même sur le père. Ennobli comme tous les morts, il est rattrapé par des souvenirs glauques.

En actualisant cette pièce créée en 1907, Jeanne Dandoy a multiplié les rapports de domination. La bonne, incarnée par Yamina Takkatz, est une domestique à la merci de la maîtresse de maison. C’est aussi une Maghrébine sans papiers, menacée d’être renvoyée dans son pays. Axel apparaît d’abord comme un gendre opportuniste, puis comme un Noir épris de liberté et d’humanisme. L’auteure lui met dans la bouche un extrait de "Peau noire, masques blancs" (Franz Fanon). Un monologue, qui permet à Sanders Lorena de défendre, avec conviction, son droit de stigmatiser les racistes qui se gargarisent des "Y a bon Banania", tout en refusant de jouer les victimes. Surnommant son héroïne "le pélican", Strindberg souligne, par dérision, l’absence d’amour d’une mère, qui n’a rien de nourricière. L’adaptation et le jeu nuancé de Catherine Salée ne la blanchissent pas, mais la rendent plus humaine.

Les voiles, qui délimitent les espaces, rendent poreuse la frontière entre réalité et fantasme. Bouffées de souvenirs, images angoissantes, objets mystérieusement animés semblent hanter les personnages. Un trouble renforcé par l’univers sonore étrange, créé par Maxime Glaude. Prisonniers des mensonges, des non-dits et des illusions, les jumeaux étouffent dans ce huis clos. Gerda (Chloé de Grom) vit dans sa bulle, pétrifiée. Sous ses discours et ses plaisanteries, Fredrick (Julien Vargas) laisse percer sa fragilité. C’est en sortant de l’aveuglement que les membres de cette famille meurtrie peuvent espérer retrouver le goût de vivre. Remaniée, cette pièce, dont le titre aurait pu être changé, devient un appel à l’humanisme. Une scénographie efficace et cinq comédiens dirigés avec doigté font de ce "Pélican" un spectacle intense et profond.

Jean Campion

`

Théâtre Varia