Jeudi 11 décembre 2014, par Christophe Ménier

Le Furious Festival : premiers pas de la jeune création (2)

Pour cette deuxième édition 2014, Le Furious Festival du théâtre de poche propose une programmation de plusieurs jeunes artistes sortant d’écoles supérieures de théâtre de la communauté française (sauf peut-être Olivier Coyette qui est - le public du poche le sait - un habitué de la maison...). La plupart des intervenants présentent des étapes de travail et non des spectacles aboutis (au moins les curieux seront avertis).

Jeudi 18 décembre

Ce jeudi 18 décembre nous retrouvons deux nouveaux spectacles : la lecture du bref roman de Laurent Mauvignier par l’acteur Grigory Collomb accompagné par la pianiste Béatrice de Boc, suivi par le spectacle « Là (Shakespeare dit there) » d’après le texte Lettre au directeur de théâtre de Denis Guénoun, mis en scène par Pauline d’Ollone et la Cie Les Etrangers.

Le premier spectacle offrait à entendre une tragédie du quotidien librement inspirée d’un fait divers : suite au vol d’une canette de bière dans un supermarché, un SDF est roué de coup par les vigiles jusqu’à ce que mort s’en suive. La plume de l’auteur, transcendant les seuls faits, donne une lecture aiguë et percutante de cet événement en restituant le parcours d’un être paumé jusqu’à son meurtre dénué de sens. L’acteur (formidable) porte ici le texte avec toute ses tripes, et se laisse guider au hasard des mots et des sons, et par l’émotion naissant de leur rencontre.

Le second spectacle, joué par trois acteurs, tentait de répondre aux grandes questions qui animent le théâtre depuis la nuit des temps. Qu’est-ce que le théâtre ? Que montre-t-il ? Montre-t-il l’absence ? Se trouve-t-elle là, précisément ? Qu’est ce que l’adresse ? Pour quel public jouer ? Etc. Certes, les réflexions sont brillantes, la mise en scène est efficace et les acteurs font preuve d’un grand savoir faire, d’écoute et d’inventivité. Mais on ne peut s’empêcher de relever un paradoxe évident : un tel spectacle ne peut intéresser que des gens de théâtre : trop de citations savantes et d’exégèses, trop de préoccupations théâtrales nombrilistes pour intéresser le quidam qui, s’il ne rend jamais au théâtre, fera mieux de passer son chemin.

Mercredi 10 Décembre

Ce mercredi soir, nous avons pu découvrir deux pièces d’auteurs mises en scène et interprétées par des acteurs sortis de l’ESACT de Liège. La première, « Voir clair » de Marius von Mayenburg, relate l’histoire de deux personnages : Walter, qui vit seul chez lui et qui fait des allers-retours mystérieux entre son salon et sa chambre et Julia, une femme de ménage qui vient aider Walter dans la plupart des tâches ménagères. L’accès de la chambre est formellement interdite à Julia, qui y entend souvent Walter y parler, mais à qui ? La langue de von Mayenburg est dure d’accès et les acteurs peinent à trouver le ton juste : corps figés, peu d’inventivité dans le jeu, monotonie patibulaire des échanges verbaux. On saluera quand même l’effort d’amener le spectateur dans une atmosphère singulièrement obsédante. La seconde, « Love and money » de Dennis Kelly, mise en scène par Julien Rombeaux, dresse la mosaïque désastreuse d’êtres égarés par la quête toujours plus importante de fric, au point d’avoir oublié ce qu’est l’amour. En sept fragments, on découvre à rebours l’histoire de David et Jess, mais aussi la brutale explosion de leur couple suite à la demande en mariage. Une langue volcanique à l’humour acéré servie par une mise en scène sobre et intelligente, bien qu’un chouïa trop étirée et accusant quelques problèmes de rythmes dans la dernière demi-heure.

VOIR CLAIR - spectacle (étape de travail)
De Marius von Mayenburg - Création collective de Gwendoline Gauthier, Amandine Laval, Julien Rombaux et Alexis Garcia (étape de travail)
10 et 11/12 à 20h
 

LOVE AND MONEY - spectacle
De Dennis Kelly – Mise en scène Julien Rombaux
10 et 11/12 à 21h30

Christophe Ménier