Jeudi 1er mars 2018, par Didier Béclard

La théorie du complot

Aurore Fattier adapte « Bug », un thriller fantastique qui oscille entre théâtre et cinéma et qui prouve que le fantastique a également sa place sur les planches. La science fiction n’épargnera personne...

Agnès, la quarantaine, vit seule dans un petit appartement sans âme au cœur du dédale d’une cité HLM. Serveuse dans un bar, elle se cache de son ex-mari violent et gère son malheur à coup de clopes et de vodka. Et dans une de ces nuits sans relief, un homme, Pierre, débarque chez elle. Un peu coincé, introverti, il se dit soldat français qui revient de la guerre en Afrique centrale. Elle s’accroche à cette seule once d’humanité qui traverse sa vie, il s’installe et les deux deviennent couple. Le temps passe et Pierre change, se révèle, développe d’étranges théories sur le monde actuel. Il se dit victime d’un complot, l’armée lui aurait inoculé des puces sous la peau pour le contrôler. « Les visions d’insectes sont courantes chez les paranoïaques », diagnostiquera plus tard le docteur Joyeux. Il part en vrille dans un délire paranoïaque, en effet, et emmène Agnès dans sa folie délirante. Ensemble, ils s’enfoncent dans leur bug apocalyptique.
Adaptation de la pièce éponyme de l’auteur américain Tracy Letts (1995) dont William Friedkin a tiré un film en 2006, « Bug » est un véritable thriller fantastique. La mise en scène d’Aurore Fattier, qui avait mis en scène un formidable « Élisabeth II » de Thomas Bernhard, est en équilibre constant entre théâtre et cinéma en combinant images filmées à l’avance et prises de vue en direct, changements de plans et de décors parfaitement orchestrés, et la présence énigmatique d’un quatuor de musiciens (José Rodriguez, Dorelle Sluchin, Lorraine Roudbar et Jonny Viloria) qui apparaît et disparaît, chaque fois à un endroit différent. Les musiciens jouent la musique de Krzysztof Penderecki, compositeur polonais de musique sérielle, que l’on retrouve notamment dans « Shininig » de Stanley Kubrick. Yoann Blanc est magistral dans le rôle de l’ancien soldat à la dérive. Catherine Grosjean est tout aussi convaincante en femme inquiète, désemparée, brisée et contaminée par son nouveau compagnon. Fabrice Adde, Eléna Pérez et Claude Schmitz complètent la distribution de ces caractères bien affirmés. « Bug » surfe sur la ligne de la peur légitime et de la paranoïa dans une version actualisée de l’après 11 septembre.

« Bug » jusqu’au 9 mars au Théâtre Varia à Bruxelles, 02/640.35.50, www.varia.be, du 13 au 16 mars au Théâtre de Namur, 081/226.026, www.theatredenamur.be, du 20 au 24 mars au Théâtre de Liège, 04/342.00.00, www.theatredeliege.be.