Vendredi 15 mars 2013, par Palmina Di Meo

La rencontre du septième art et du cinquième sens, un mariage entre le camp et le trash

Offscreen dans le cadre de son festival annuel et le Bozar, invitent le cinéaste culte américain, John Waters. Surnommé le "Baron du mauvais goût", "le Pape du trash", le Sultan du sordide", il était à Bruxelles le weekend dernier pour un one man show au palais des Beaux-Arts et une Master Class à la Cinémathèque.

Délires et extravagances samedi dernier dans la grande salle Henry Le Boeuf. La longue silhouette de John Waters se profile. Une ovation interminable, de celle que l’on réserve aux grandes stars, accueille le cinéaste aujourd’hui sexagénaire. Waters, dont c’est le premier passage en Belgique, est manifestement touché par les marques d’affection.

Complet rose et moustaches "playboy", allure de jeune premier hollywoodien, il présente un show debout "This Filthy World" devant une foule impressionnante de fans. Performance d’une aisance inusable, acquise par une longue expérience de ces petits sketchs costumés en live qui précédaient les films aux USA.

La projection très attendue de Polyester, en odorama, a tenu la salle en haleine avec des plaquettes "scratch and sniff" numérotée et à gratter selon les instructions données à l’écran. Choisies dans une bibliothèque parmi un million d’odeurs, les fragrances ne sont pas excessives mais il s’agit d’un jeu et c’est l’esprit de Waters : it must be funny. La recette de ses films à succès : combler en même temps les amateurs de sexy et de funny. Pour cela, il faut être subversif, outrancier, abuser des clichés. Waters n’aime ni les adaptations ni les effets spéciaux ni la vraie violence. Ce qui l’intéresse, ce sont les acteurs, qu’il recrutait à ses débuts parmi ses amis. C’est le cas de Divine (Glenn Milstead), mal dans sa peau quand il était gosse, dont les parents étaient amis des parents de Waters : "pas une bonne publicité pour l’école" ironise Waters. Il avoue cependant qu’il aimerait faire travailler Meryl Streep.

Au cours de l’entretien d’une heure trente qu’il a accordé à la Cinémathèque, Waters a retracé en toute simplicité son parcours qu’il qualifie de constant et d’ascendant. Né à Baltimore, c’est dans cette ville qu’il a tourné la plupart de ses films à petits budgets dont le premier avec les 2500 dollars prêtés par son père. Homme de grande culture cinématographique, il est le chantre du hors norme, de l’exagération, du grotesque et du fanatisme américain. Ayant débuté dans l’Underground, il est passé par tous les genres, du cinéma indépendant au cinéma hollywoodien pour en revenir à l’Underground aujourd’hui où ce genre de cinéma commence à réellement exister avec l’objectif de faire bouger les mentalités. Au cours de la conversation, il a salué la qualité du cinéma belge, prédit que l’avenir du cinéma n’est ni dans le sexe ni dans la violence mais dans l’humour. A 12 ans, il montait des "puppet show" excessifs pour les birthday parties alors qu’un tiers du public se mettait systématiquement à pleurer. Il a aussi évoqué son passé, quand il était son propre distributeur et qu’il se déplaçait de ville en ville. Il fallait compter deux ans alors pour promouvoir un film.

Le roi du trash n’est jamais à court d’anecdotes. Sa classe bouclée à la Cinémathèque, il repart au cinéma Nova pour une nouvelle séance de questions/réponses avant la projection de « Pink Flamingos », le film qui l’a rendu célèbre en 1972. Toujours avec Divine, le film raconte la lutte entre deux clans pour conserver le titre de «  filthiest person alive  ». La salle du Nova l’a profondément ému car elle lui a rappelé la première du film avec sa décoration et son balcon plongeant.

Une belle rencontre avec un artiste accessible, proche des marginaux. Waters travaille actuellement à un nouveau show : rendez-vous lors d’une prochaine visite à Bruxelles ?

La rétrospective continue jusqu’au 23 mars au Nova et à la cinémathèque qui a, de plus, offert une carte blanche à John Waters et mis à son programme le TOP 5 des films camp et trash de son choix dont Fuego de Armando Bo et Boom de Joseph Losey.

Palmina Di Meo