Vendredi 14 décembre 2012, par Laura Bejarano Medina

La légitimité de la vengeance

C’est entre les murs du théâtre Poème 2, sombres et glacés pour l’occasion, que prend place le procès captivant de la jeune Electre.

Des voix, des murmures et des chuchotements presque imperceptibles se mêlent, se confondent et se bousculent en écho dans l’esprit d’Electre. Elle est comme figée au milieu d’un décor froid et épuré qui dévoile la noirceur de ses tourments et de sa solitude profonde. Entre alors un avocat qui, avec la voix de la raison, commence à nous raconter la sanglante histoire de la Maison des Atrides.

S’inspirant des textes d’Eschyle, Sophocle, Euripide, Maurice Garçon, Jean Giraudoux, Jean-Paul Sartre et Marguerite Yourcenar, la création Voici Electre nous retrace le drame mythologique d’une enfant matricide. Electre, fille de roi, a tué sa mère Clytemnestre. Cet acte d’une violence extrême naît d’un besoin imparable de venger la mort de son père, Agamemnon, assassiné par Clytemnestre à son retour de la guerre de Troie. Il a fallu sept ans de haine et de souffrance silencieuses pour pousser la jeune fille à rendre elle-même la justice qui n’avait pas été rendue, Clytemnestre n’ayant jamais été condamnée pour son crime.

La représentation oscille à travers un judicieux équilibre entre la réflexion habile de l’avocat menée avec éloquence par le comédien Franck Dacquin, et l’émotion rendue si vive par la talentueuse Consolate Sipérius qui nous livre une Electre touchante et torturée. La justesse de ton de ces deux personnages n’est cependant pas toujours en équilibre avec celui du personnage de Clytemnestre, ce qui provoque un décalage et fait quelque peu dévier le spectateur de l’essentiel.

Au-delà de moments poignants où transparaissent la détresse d’Electre et la colère qui la ronge, ce spectacle renvoie à de nombreux sujets de débat comme le mutisme de la justice dans la société, l’injustice devant l’impunité, la légitimité de la vengeance, les relations intrafamiliales et la lourdeur du remord. Voici Electre se révèle donc une création sans prétention qui pose les bases d’un questionnement universel sur le droit et le devoir tout en exacerbant les sentiments d’impuissance et de colère face à une situation qui nous dépasse.

Des voix et des pensées tourbillonnent encore et encore dans sa tête de la jeune fille. La justice est rétablie, mais pourtant une dernière note d’amertume vient ternir cette satisfaction. Une question subsiste : La légitimité d’un acte d’une telle cruauté peut-elle l’emporter sur le remord ? À nous de juger.

Laura Bejarano Medina