Mardi 19 mars 2019, par Didier Béclard

La folie de l’ambition et du pouvoir

Rencontre avec Michel Dezoteux et Karim Barras

Shakespeare et Macbeth en particulier ont la cote pour le moments. Michel Dezoteux monte à son tour cette tragédie qui clôt un triptyque consacré à la folie. Rencontre avec le metteur en scène et le comédien Karim Barras qui incarne le rôle-titre de chacun des trois volets.

© Gaël Maleux
Après « Hamlet » de Shakespeare et « Woyzeck » de Büchner, Michel Dezoteux revient à Shakespeare avec « Macbeth » pour boucler une trilogie consacrée à la folie. Projet évolutif – il n’était pas nécessairement prémédité -, il part d’un questionnement sur l’art brut, l’art des fous comme d’aucuns le considèrent. « La folie est une souffrance, immédiate, difficile, explique le metteur en scène. C’est aussi l’inspiration à l’état pur, une improvisation un peu comme dans le jazz, un besoin, une nécessité d’expression, de création. » Il ajoute que « la folie est proche de ce qu’est la créativité, une façon particulière de réagir au monde. »

Fil rouge de ces trois œuvres consacrées à la folie, le comédien Karim Barras incarne Macbeth après avoir campé les personnages de Hamlet et Woyzeck. « Des choses se répondent, estime le comédien, comme des échos des deux autres. » Selon lui, « la folie a à voir avec la liberté. Par exemple le fou du roi, son masque de fou lui permet de dire les choses. Il y a plusieurs formes de folie, plusieurs couches. » Formé à l’Insas, Karim Barras a été récompensé par les Prix de la Critique dans la catégorie meilleur espoir, en 1998 pour sa prestation dans « Le Fou et la Nonne » du polonais Stanislaw Ignacy Witkiewicz. Le jury ne s’y est pas trompé puisqu’en 2013, il reçoit le Prix du meilleur acteur, conjointement pour son interprétation du rôle-titre dans « Hamlet » de Shakespeare, mise en scène par Michel Dezoteux, et pour celle du soldat José dans « Une lettre à Cassandre » de Pedro Eiras.

Revenant d’une campagne victorieuse contre les rebelles, Macbeth et Banco, généraux du roi Duncan, rencontrent trois sorcières. Celles-ci leur prédisent leur avenir avant de s’évaporer : le premier va devenir roi, tandis que le second, qui ne sera pas lui-même roi, aura des descendants qui le seront. Poussé par l’ambition dévorante de sa femme et par la prophétie des trois sorcières, Macbeth assassine Duncan et se hisse sur le trône d’Ecosse. Dans ce « récit plein de bruit et de fureur », il est question d’ambition criminelle, de pouvoir corrupteur, de trahison, de guerres, de meurtres et de folie.

« C’est une histoire très écossaise ancrée dans un terroir, commente Karim Barras. Il y a quelque chose d’un croisement entre Richard III et Hamlet dans Macbeth, une troisième voie. » « C’est une machinerie énorme, ajoute Michel Dezoteux, la question est de savoir comment gérer un espace unique et raconter l’histoire avant tout. Par exemple, jouer une sorcière est impossible. » Les moyens « limités » du théâtre obligent des lors à faire appel à des codes. Avec beaucoup de scènes très courtes, Macbeth est une des pièces les courtes en nombre de pages de Shakespeare. A noter que celui-ci n’a pas connu l’édition de ses œuvres donc on ne sait pas toujours d’où viennent les manuscrits, parfois des copies des acteurs ou de personnes qui prenaient note lors de représentations.

« C’est une matière très vivante, très organique, relève le comédien. Les options prises rendent la pièce très claire. Michel a le souci du public. C’est à la fois reposant et exigeant. » S’il tient son public en haute estime, Dezoteux il n’en n’a pas moins de considération pour l’auteur anglais. « Shakespeare est le plus grand, affirme-t-il, avec Tchekov. Ce sont deux colonnes sur lesquelles repose notre théâtre, deux grands narrateurs d’histoires, fondateurs de pratiques toujours actuelles. »

© Gaël Maleux

« Macbeth » mise en scène de Michel Dezoteux jusqu’au 6 avril au Théâtre Varia à Bruxelles, 02/640.35.50, www.varia.be.