Mercredi 15 octobre 2014, par Blanche Tirtiaux

La folie, c’est la liberté absolue

Aux théâtre des Tanneurs, David Strosberg propose une mise en scène drôle et décalée du texte de l’auteur tchèque Petr Zelenka. Dix acteurs se succèdent sur scène pour révéler lubies et obsessions et nous renvoient une image tendre et décomplexante de la douce folie ordinaire. Leur slogan ? La folie, c’est la liberté absolue.

Alcoolique désillusionné, célibataire désespéré, nymphomane ou névrosé lambda sont les héros de la pièce. Sur base d’un texte à la fois divertissant et incisif, David Strosberg propose une mise en scène qui fait défiler sous nos yeux une belle brochette d’obsessions quotidiennes aux accents brusseleer. Beaucoup de gens croient qu’ils sont fous, mais leur secret c’est qu’en vérité, ils sont normaux...

Ainsi on collectionne les coupures de journaux, on se demande comment faire pour entrer une ampoule dans sa bouche, on a des fantasmes, des crises de nerfs, des angoisses nocturnes, des tendance à l’onanisme fatal ou la paranoïa juridique... mais au final, c’est ça qui nous rend tellement humains, non ?

Le pari de l’éloge de la folie quotidienne fonctionne bien. Les comédiens sont bons, très bons même, et apportent sur le plateau un vent d’énergie à l’image du texte rythmé de Zelenka. On est transportés de l’un à l’autre avec un régal de curieux, traversant les chemins de vie et les petits grains des personnages avec beaucoup de plaisir. Sur scène, des brics et des brocs, un évier et des gros cailloux maintiennent des panneaux semi transparents qui donnent à l’ensemble l’aspect d’un joyeux bordel. Derrière les panneaux apparaissent et disparaissent les acteurs, parfois transparaissent juste, comme une apparition entre rêve et réalité dans la nef des fous.

Après un départ pétardant plein d’allégresse et d’humour, la pièce va plus loin encore dans le parti du comique et pousse le tout vers une absurdité presque caricaturale. On arrive alors dans une franche comédie aux accents parfois un peu graveleux, là où on aurait peut-être espéré un changement de registre pour permettre au spectateur de respirer un peu dans cette marée de zozos aux longues tirades. Mais même si le rôle central du texte engendre quelques longueurs, la performance excellente des acteurs, et le lot de surprises et d’inventions que nous réservent ces personnages hauts en couleur font de la pièce un spectacle distrayant et somme toute très drôle.

Malgré un ton que certains trouveront trop léger, « petites histoires de la folie ordinaire » est mené par une équipe pétillante dans un dispositif original et garde avec force le cap d’une délicieuse dérision.

Blanche Tirtiaux