Samedi 1er février 2020, par Marion Hermet

Work utopia has a awful price to pay

Dans une dystopie peu lointaine, la Belgique est devenue une république et les rêveurs n’ont plus de droit de cité, forcés à trouver du travail et à justifier toutes leurs recherches sous peine d’être déportés dans un camp d’assemblage de smartphones.

Certains parents, amis… ont dû peut-être vous dire un jour que les rêves ne seront jamais exaucés et qu’il serait mieux de trouver un job utile, loin des études et souhaits initiaux. Dans une utopie de plus en plus probable malheureusement, où la performance au travail est reine et les personnes sont désormais des séries de chiffres seulement, la Belgique – fictive - a adopté une loi rendant le travail obligatoire et les chômeurs – s’ils ne recherchent pas de job d’une façon hyperactive - blâmés jusqu’au bout, profil Facebook compris, quitte à être envoyé dans un camp de travail dans les Ardennes, à assembler des smartphones et autres appareils ménagers pendant une dizaine de mois et à même y trouver la mort.

Anna – jouée par la magistrale et excellente Sandrine Desmet – est une contrôleuse d’emploi totalement asphyxiée par la propagande gouvernementale : selon elle, les chômeurs sont des parasites, qui sont responsables de la crise économique de 2008 entre autre. Qu’en plus, certains méritent de rater leur vie pour faire de la place aux autres qui le méritent davantage. La tyrannie de cette contrôleuse est montrée sur son meilleur jour, quitte à avoir une interaction brutale – mais tellement bien incarnée - avec l’audience. Ce jour-là, après avoir ingurgité une boisson énergisante « infâme », elle doit contrôler Georges – porté sur scène par le très bon Hugues Hausman – un chômeur qui est sur le point de perdre ses dernières étoiles et d’être déporté. Au delà des absurdes idées qu’imposent la startup nation, couvert de bons arguments communicatifs souvent ridicules, les rêves sont mis en pause voire effacés, mais finissent de resurgir à un moment ou l’autre. Anna souhaitait devenir danseuse et Georges voulait une grande carrière dans le journaliste, aucun des deux n’a vraiment réussi à être en orbite leurs projets professionnels. Cela se ressent grandement dans le spectacle, où nous nous retrouvons témoins de scènes loufoques, simples, voire de nombreux flashbacks pour remodeler la destinée de Georges durant son entretien d’embauche. Pourtant, toutes ces scènes sont criantes de vérité : retrouver un semblant d’humanité et d’espoir dans ce monde de plus en plus fou qui ne connaît pas le sens des mots ‘algorithme’ ou ‘dictionnaire’.

La pièce permet d’interroger pleinement notre société actuelle sous un socle théâtral, à l’heure où le chômage est devenu, pour un gouvernement, un fléau à démanteler sous toutes ses formes, quitte à rejeter les songes les plus fous de cette classe sociale parce qu’elle n’est pas légitime d’aller se la couler douce en week-end à Paris. Loin des clichés de la comédie sociale, le duo fusionnel sur scène porte bien le récit, voire à transposer la fiction dystopique avec la réalité.