Jeudi 24 septembre 2015, par F.V.

Aimer à en mourir

La Lettre à D., écrite en 2006 par le philosophe, penseur et journaliste André Gorz (de son vrai nom Gérard Horst) est une longue déclaration d’amour à sa femme Dorine. Elle est censée retracer leur vie d’amants, de compagnons, et de collaborateurs. Colyne Struyf et Dirk Roofthooft se proposent de nous faire retrouver l’impulsion qui a donné naissance à cette déclaration.

André Gorz écrit notamment : « Tu vas avoir quatre vingt deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante cinq kilos et tu es toujours aussi belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante huit ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais. Récemment je suis retombé amoureux de toi une nouvelle fois et je porte à nouveau en moi un vide dévorant que ne comble que ton corps serré contre le mien. »

L’auteur du texte, adapté au théâtre pour la première fois, n’est pas le premier venu sur la scène publique. Il est l’une des figures intellectuelles les plus influentes sur la scène internationale des idées de la seconde moitié du XXe siècle. Protégé de Jean-Paul Sartre et fervent défenseur de l’existentialisme, André Gortz a souvent été vu comme l’un des précurseurs de la pensée derrière les événements de 1968, et est considéré comme l’un des principaux théoriciens de l’écologie politique.

Présentée comme une lettre d’amour, la Lettre à D. est aussi un testament adressé à la personne qui mourra volontairement avec lui un an plus tard.

Habitué des grands monologues, Dirk Roofthooft semble s’être volontairement laissé submerger par ses émotions et nous donne l’étrange spectacle d’un homme qui tente de ne pas se noyer. Son jeu en arrive à un tel point de fragilité qu’il devient parfois difficile de ne pas se laisser submerger nous aussi, au risque de s’y perdre un peu.

Colyne Struyf nous explique : « Dirk Roofthooft nous montre le chemin difficile qui consiste à mettre des mots sur ce que nous avons de plus insaisissable à communiquer : nos émotions. (...) Je désire inviter le public à partager pensée, amour, trahison, tendresse… et faire apparaître cet irrémédiable attachement qui lie André et Dorine de leur tendre jeunesse à leur fragile vieillesse. »

Si vous faites déjà partie des nombreux lecteurs enthousiastes de la Lettre à D. et connaissez un peu l’oeuvre d’André Gorz, vous serez probablement touchés par le voyage qui vous est proposé par Colyne Struyf. Sinon, on peut imaginer que cela vous donnera envie de mieux connaître l’oeuvre et le combat de l’homme que le théâtre aurait tenté de mettre à nu devant vous le temps d’un soir.

F.V.