Mardi 20 novembre 2012, par Luc Vermeulen

La Flûte enchantée vue par René Jacobs ou La quête de la vérité

Au diable les décors en papier mâché et autres costumes extravagants ! C’est dans une mise en scène sobre et singulière que La Flûte enchantée de Mozart nous a été présentée lundi 19 septembre, à Bozar, par l’Akademie für Alte Musik Berlin et le RIAS Kammerchor, sous la baguette de René Jacobs. Comme promis, le chef gantois nous a littéralement entraînés avec lui dans l’univers imaginé il y a deux siècles par le librettiste Emanuel Schikander. Le livret sous le yeux, la présence occasionnelle de personnages et d’effets sonores dans la salle (bruits de tonnerre, de gouttes d’eau, etc. réalisés aux percussions), et la situation de l’orchestre au centre de la scène et autour duquel évoluaient les chanteurs, tout était là pour recréer les atmosphères du récit et étendre ainsi l’espace scénique à l’entièreté de la salle Henry Le Boeuf.

Avant le spectacle, la projection du film Les Derniers secrets de la Flûte enchantée de Mozart, en français et sans sous-titres (au grand regret de nos amis néerlandophones), a permis au nombre limité de spectateurs présents de découvrir quelques trésors cachés de l’œuvre explicités par René Jacobs. Parmi ceux-ci on trouvait notamment la présence plus ou moins perceptible de symboles maçonniques tant dans le livret que dans la musique. Y était également exposée la vision, plutôt singulière, de cet opéra par le chef. A l’instar du personnage principal Tamino cherchant à atteindre la Lumière, René Jacobs, par son interprétation, s’est lui aussi engagé dans une quête : « Ce qu’on recherche », dit-il, « c’est la vérité. » Pour ce faire, il explique avoir dû se défaire du « background » constitué de l’ensemble des interprétations de la Flûte enchantée suivant sa création en 1791. Parmi les particularités de cet enregistrement destiné à retrouver « l’esprit de Mozart », on trouve entre autres, des effets sonores, l’introduction de passages musicaux improvisés (étant ici des extraits d’autres œuvres du compositeur), la réintroduction des dialogues parlés caractéristiques du genre (Singspiel), ou encore la rapidité du tempo que le « background » historique avait considérablement ralentit.

Sans le statisme d’un oratorio ni le faste d’un opéra, la transposition sur scène de cet enregistrement s’est réalisée en une juste mesure. Par ailleurs, l’absence de scénographie a permis de révéler les qualités dramatiques de la musique notamment au travers d’une orchestration brillamment ciselée par son compositeur et mise tout spécialement en avant par la présence sur scène de l’orchestre.

La performance des chanteurs/acteurs, quant à elle, a été plus que convaincante comme en témoignent les réactions positives du public suivant les airs virtuoses et harmonieux réalisés en solo et en groupes, ou suivant les pitreries du mythique Papagano admirablement interprété par le baryton australien Daniel Schmutzhard. L’épisode où le protagoniste reçoit, au bout de ses épreuves initiatiques, la bouteille de vin dont il a tant rêvé a tout particulièrement amusé le public. Débordant de joie, Papageno présenta au chef d’orchestre son précieux trophée en attendant un signe d’acquiescement de la part de son interlocuteur, brouillant ainsi la séparation entre réalité et fiction, l’espace d’un instant.

Cette deuxième soirée du Music Marathon s’est donc réalisée en beauté et achève ainsi la partie du
programme dédiée au chant et à l’opéra. A présent, changement de registre. Place au piano et à la musique symphonique !

Luc Vermeulen