Mercredi 16 novembre 2022, par Yuri Didion

La Caravane de l’Horreur

Dix-sept minutes à vous glacer le sang

L’accueil est glauque à souhait, l’espace, exigu, et l’atmosphère, lourde d’appréhensions. La caravane de l’horreur, c’est un thriller en théâtre d’objet qui n’hésite pas à utiliser les références aux meilleurs films du genre pour faire frissonner son audience. Cris d’effroi garantis.

Le public est reçu en extrême close-up par un homme à l’allure turpide, véritable mélange des stéréotype du cajun tout droit de son bayou et du baraki à la François Damiens. Mutique, quelques grognements lui suffisent à parquer la dizaine de spectateurs dans un enclos délimité par une chaîne le long de la caravane. Trois grognements supplémentaires, et tout ce petit monde se retrouve enfermé avec deux lampes de poches tremblotantes dans ladite roulotte.

Puis le spectacle commence : une voiture parcourt l’écran de planches de bois qui sépare la caravane en deux, l’une d’elle se rabat pour servir de table de jeu où l’accident survient ; une paire de chaussures rouges à talons aiguilles sortent de la voiture, traversent la forêt. On connaît la suite : une caravane, deux grosses bottines au pas lourd, une porte découpée à la hache et quelques gros plans sur un visage hurlant silencieusement, et puis les bottines traînent derrière elle les escarpins inanimés.

Mais La Caravane de l’horreur, ce n’est pas seulement un récit auquel on assiste tranquillement. En effet, scénographie et mise en scène se combinent avec talent pour créer un espace qui inclut le public. Et c’est tout naturellement que les spectateurs se laissent prendre au jeu : on cherche à deviner de quel coin obscur le truc qui va nous terrifier jaillira, on comble le moindre silence de commentaires teinté d’un humour chevrotant, on verbalise tout ce qu’on voit ou qu’on entend pour en diminuer la force terrifique. C’est délicieux.

On retrouve également tous les clichés du genre : les ongles crissant sur le bois, le bruit rauque d’une respiration épaisse, l’éclairage intermittent, les ombres de branchages, la tronçonneuse, les rires d’enfants, ... autant d’images qui évoquent des films ultra-connus, du Shining de Kubrick au Massacre à la tronçonneuse de 1974, et nous immergent dans cette ambiance sordide, où l’on imagine sans peine les relents de vieille sueur, le parfum de la terre fraîchement retournée et l’odeur acre du sang qui sèche.

Un spectacle qui reste, malgré tout, grand public, car il repose plus sur la mécanique de la peur que celle de l’horreur ; il saisit plus qu’il ne choque et ne laisse, au final, aucune image gore qui hanterait les âmes les plus sensibles. Le frisson est d’anticipation, le cri de surprise, mais tout cela laisse rapidement la place au rire et au plaisir de s’être laissé prendre.

Yuri Didion