Jeudi 21 décembre 2017, par Palmina Di Meo

LE VENT SOUFFLE SUR ERZEBETH

LE VENT SOUFFLE SUR ERZEBETH
Somlyo, village perdu au milieu des eaux... Le vent y souffle six jours par mois sans répit balayant les montagnes et les volcans. Erzebeth a grandi dans ce paysage déboussolé, à l’image d’une Emily Brontë, intemporelle. Tourmenté, son esprit l’est aussi, prématurément altéré par ses angoisses qui accompagnent les cycles naturels. Orpheline de père, abandonnée par son fiancé, rejetée par la communauté qui voit en elle un être inadapté et inquiétant, Erzebeth, victime des préjugés et d’une éducation sèche, se transforme en une créature sauvage, battant la campagne dès le retour épisodique des tempêtes.

Avec délicatesse, l’écriture poétique de Céline Delbecq joue sur l’ambiguïté et revisite le mythe de Dracula s’inspirant de la figure légendaire d’Erzebeth Báthory, une comtesse hongroise condamnée pour crimes sanguinaires. Et c’est Charlotte Villalonga, héroïne préférée de Céline Delbecq, déjà appréciée pour ses rôles de jeune première dans « Hêtre » et « Hibou » mais aussi la Juliette de « Éclipse totale », qui incarne Erzebeth. Elle est ici face à Muriel Bercy, sa mère de scène, paysanne et froide, incapable de rassurer cet enfant qui lui est désormais étrangère. Le jeu de Charlotte tout en révolte contenue révèle la friabilité de cette gamine de 20 ans, fuyant la peur du temps qui passe et déjà rattrapée par la folie.
Les villageois, omniprésents, témoins impuissants de cette détresse humaine, observent, encensent, jugent et condamnent en fonction de croyances maléfiques. À Somlyo, on est coulé dans le moule ou on meurt.
Avec une mise en scène épurée, un chœur composé de douze comédiens amateurs encadrés par Réal Siellez, le narrateur de la fable sur le modèle de la tragédie grecque et un groupe de cinq musiciens sur le plateau, Céline Delbecq nous embarque dans un conte fantastique entre imaginaire collectif, virtualité et un réalisme sous-jacent qui renvoie à l’impitoyabilité sociale.
Palmina DI MEO