Samedi 15 septembre 2018, par Didier Béclard

L’illégalité existe aussi en amour

Dans « Yvan & Else, bank of God », Laurent Plumhans dresse le bilan comptable de notre société sous l’angle de la rupture amoureuse. L’amour est-il capable de résister aux lois que nous impose le XXIe siècle ?

C’est l’histoire d’une rupture amoureuse. Une histoire peut-être banale mais qui ressemble peut-être à la vôtre. Un couple, Yvan et Else, englué dans la routine du quotidien bat de l’aile. Un couple qui garde pourtant les yeux ouverts sur la société actuelle, la société qui les les conditionne, qui leur impose ses lois, ses contraintes.
« Le matin du premier jour, le banquier créateur de l’univers, créa l’homme. Et l’après-midi du premier jour, il créa la femme ». Mais peut-être était-ce une banquière créatrice de l’univers ? Toujours est-il, qu’ensuite il, ou elle, créa l’air, la lumière puis tous des éléments qui ont permis aux humains d’évoluer, jusque, plus tard, les marchés financiers, les agences de notations et, pour se donner bonne conscience, les institutions européennes.

Comme dans ses précédentes créations - « C’est quand la délivrance ? » et « Que reste-t-il des vivants ? » -, Laurent Plumhans explore, au travers d’une succession de tableaux, les liens entre intimité et société au travers de l’accès difficile des jeunes au marché du travail ou de l’omniprésence de la dimension financière dans l’existence humaine contemporaine.

Le projet « Yvan & Else, bank of God » est né d’une expérience personnelle de l’auteur et metteur en scène, quitté par sa compagne plus habituée à un train de vie très éloigné de la précarité intermittente de l’artiste créateur.
Il est temps d’anticiper l’éclatement, la déchirure, l’hécatombe. C’est la « rupture bête et brutale », comme chantait Jacques Brel. Else a effectivement rencontré quelqu’un et prévoit déjà comment régler les problèmes pratiques de la séparation. Elle ne sait pas si ce sera mieux ou moins bien mais, au moins, ce sera différent. Elle a perdu la flamme, elle en a marre d’être « brave, belle et gentille ».
L’intervention d’une tierce personne, entre thérapeute et médiatrice, met en lumière la distance qui sépare l’homme et la femme. Ils ne sont pas synchros, les souvenirs de vacances ne sont pas les identiques, ils ne répondent pas de la même façon aux questions posées. « Parfois moins et moins font plus, ensemble on est plus forts », ne convainc pas. Les dés sont jetés et « un coup de dés jamais n’abolira le hasard », (© Stéphane Mallarmé).
Notamment musicien de formation (violoniste), Laurent Plumhans donne la part belle à la musique – dans un dispositif de son spatial qui impose aux comédiens l’utilisation de microphones qui ont l’avantage de permettre des conversations intimes sans devoir porter la voix - sans négliger pour autant le texte, fort, alerte, interpellant. La comédienne Berdine Nusselder, dans le rôle de ce que l’on pourrait qualifier de « Madame Loyale », excelle, rayonne, impose sa présence mais n’efface pas les prestations remarquables de Florelle Naneix et Yannick de Coster.

« Yvan & Else, bank of God » jusqu’au 30 septembre au Théâtre Poème 2 à Bruxelles, 02/538.63.58, www.theatrepoeme.be. Avec Yannick de Coster, Sophie Delafontaine, Florelle Naneix (FR), Priscilla Adade (EN) et Berdine Nusselder. Tous les jeudis, la pièce est jouée en anglais (plus tard, une version avec le néerlandais est prévue), le but de l’auteur étant de mettre en avant le malentendu qui existe entre les membres du couple qui ne parlent pas la même langue.