Vendredi 8 mars 2013, par Julie Lambert

L’éveil du printemps : Un véritable éveil des sens

Cette nouvelle adaptation de « L’Eveil du Printemps » respecte avec justesse la griffe de son auteur, Franck Wedekind : provocation, violation des conventions, contestations des tabous sexuels, humour aussi grave soit-il, tout y est ! La metteure en scène, Peggy Thomas, a donc bien réussi son pari ! Elle parvient à faire jouer sur le ton originel, tantôt leste, tantôt burlesque, « la question existentielle, celle du chemin à tracer ».

Pendant deux heures trente, le spectateur est confronté à la terrible tragédie de l’adolescence, dans laquelle il tient, au même titre que les comédiens, plusieurs rôles. Plongé dans cette période de vie, il est le témoin de toutes ses composantes, des plus futiles aux plus dramatiques. Il est le confident de ses métamorphoses, son volcan de doutes, d’angoisses et de désirs. Il est victime, puisqu’impuissant, de sa souffrance et sa violence. Il est le réceptacle de ses sensations les plus étranges et paradoxales.

L’intrigue démarre sur un air de printemps. Le vert dominant et le plateau épuré apportent de la fraîcheur, synonyme de renouveau. Les personnages plantent donc le décor avec délicatesse : quelques confidences et débats sur l’essence même de la vie. Toutefois, ce n’est pas dans un petit jardin tranquille qu’ils vont nous emmener mais vers des pâturages de plus en plus noirs au fil du temps. Nous sommes au cœur du paradoxe si cher à l’adolescence.

Les comédiens se prêtent à une véritable mise à nu, crédibilisant encore plus leur discours. Le ton monte, s’intensifie, devient brutal, inquiétant, rendant palpable l’angoisse immense dans laquelle ces jeunes sont engouffrés. Cette oppression s’amplifie avec les tabous dont la puissance et l’impact sont si bien mis en exergue dans cette pièce. Le spectateur étouffe et peut même être en colère face à ces adultes, certes très mal à l’aise, mais si peu apaisants et reconnaissants.

La richesse de cette pièce tient particulièrement à sa justesse et à son équilibre. Tout d’abord, le jeu des acteurs est si sincère et profond que le spectateur ne peut pas ne pas y croire. Ensuite, l’adolescence est mise en scène dans sa représentation la plus exacte et complète : questionnements, sujets tabous, difficultés socio-affectives, éveil du désir, transformations physiques, adultes démunis, émancipation, angoisses, libertés, autorité, limites, interdits, paradoxes, tout est là, dans ses formes les plus extrêmes certes ! Pour terminer, Peggy Thomas a réussi à insuffler à cette œuvre pourtant si tragique un équilibre doux-amer, en mêlant les scènes dramatiques au chant, à la danse, et aussi à l’humour.

En conclusion, pendant deux heures trente, le spectateur confronté à cette caricature de l’adolescence torturée du XIXème siècle, est enchaîné dans un véritable tourbillon émotionnel : il est parfois triste, en colère, heureux, inquiet, offusqué, attendri, enjoué, angoissé, choqué, ravi aussi. En bref, dans ce jeu de l’identité et de l’existence, le spectateur, lui, trouve facilement sa place !

Julie Lambert