Samedi 22 février 2014, par Emmanuelle Conte

L’enfer d’une bonne intention

Adopter un enfant est la plus belle chose qu’on puisse lui offrir, un acte d’amour, de bravoure, de générosité, qui en dit long sur ses bonnes intentions. Adopter un enfant, c’est le sortir de la misère... pour parfois lui en faire découvrir une autre. Cathy Min Jung pousse sa propre expérience à son paroxysme et raconte, par le biais de la fiction, l’histoire d’une adoption qui tourne à la tragédie.

Cathy Min Jung signe avec « Les Bonnes Intentions » son premier texte de théâtre. Inspirée de sa propre expérience d’enfant adoptée, elle raconte l’envers du décor, celui dont on ne parle jamais mais qui arrive pourtant parfois.

Cela part toujours d’une bonne intention. Ici, deux jeunes Européens mariés qui désirent accueillir chez eux un enfant abandonné, lui offrir une vie meilleure et tout l’amour qu’ils auraient donné à leur propre progéniture, s’ils avaient pu en avoir. Mais ce parcours se transforme vite en champ de bataille, parce que l’amour ne s’achète pas, et à l’âge de 7 ans, la fillette ressemble plus à une femme de ménage qu’à un môme chéri.

La comédienne emploie un ton calme, enfantin, presque trop doux par rapport à la souffrance qu’elle décrit. Puis, les horreurs se précisent, l’ambiance devient malsaine, la tension palpable. Cathy Min Jung laisse sortir la rage qu’elle semblait avoir enfermé dans une vieille boîte à jouets en bois. De vraies larmes coulent sur son visage, et l’on ne peut qu’applaudir l’intensité et la sincérité de son jeu.

La mise en scène, signée Rosario Marmol Perez, est pertinente : la comédienne va et vient dans un wagon de bois représentant à la fois l’environnement de son enfance et cette boîte dans laquelle sont enfermés ses secrets. Les jeux de lumières donnent une profondeur à l’ambiance déconcertante, et virent au rouge sang lorsque la narratrice commet l’acte fatal.

Par cette pièce, Cathy Min Jung met en lumière les zones d’ombres d’une telle aventure, souvent passée sous silence, et pose les questions taboues. Elle ouvre le débat de l’adoption, du déracinement, de l’abandon, et remet en question le bien-fondé d’une pratique perçue comme un véritable acte de bonté. On en sort bouleversé, décontenancé, et si certaines questions restent sans réponses, on finira par refermer la boîte à souvenirs, pour tenter de ne plus y penser.

Emmanuelle Conte