Le plateau est plongé dans le noir et le silence. Petit à petit, trois corps se dessinent, se laissent deviner, dans un halo de lumière. Venu du néant, un rythme s’impose comme le tambour d’une galère qui donne la cadence aux rameurs. Les corps vêtus de blanc et encapuchonnés, s’impriment du rythme, les mouvements se font plus audacieux, les visages se découvrent. En cercle, les trois interprètes enchaînent les mouvements, synchronisés, répétitifs, comme à la chaîne qu’évoquent les souffles proches des échappées de l’air comprimé sortis d’une machine. Puis les mouvements se font plus chaloupés avant de revenir en force, le regard soutenu, dur, intense. Rapprochement, éloignement, croisement, les corps occupent l’espace dans une tension énergique, jusqu’à l’épuisement, le dérèglement. Quelques mesures de mélodie les aideront à retrouver leur grâce.
« Forces » s’inscrit dans le sillage de « Atomic 3001 » mais à la différence de cette pièce, cette trilogie de femmes puissantes (Leslie Mannès, Mercedes Dassy, Daniel Barkan) génère la force plutôt que de la subir, jusqu’à la libération, la joie, l’extase. Chamanes, guerrières, cyborgs, elles créent un tourbillon de « forces primaires, telluriques et technologiques » qui dégage une énergie collective dans une sorte de rituel de célébration du vivant.
Chorégraphie, danseuse et comédienne, Leslie Mannès a dansé pour Maxence Rey, Ayelen Parolin ou la Cie Mossoux-Bonté. Elle a également fondé, avec Louise Baduel, la Cie System Failure qui questionne le présent à partir de fictions futuristes, .En 2016, elle crée « Atomic 3001 », un seul en scène marqué par la pulsation incoercible du geste et du son. Flanquée du compositeur Thomas Turine et de créateur lumière Vincent Lemaître, la chorégraphe exploite la relation fusionnelle entre le corps, le son et la lumière pour provoquer une expérience sensorielle collective, voire immersive.