Lundi 28 mars 2011, par Catherine Sokolowski

L’absence d’existence en guise d’exutoire

L’institut Benjamenta forme de futurs domestiques. D’allure sombre et sévère, ce lieu se révèle étrange et décalé. Les dialogues naïfs et absurdes étonnent de prime abord, séduisent ensuite. Les personnages, très typés, prennent en charge la formation de Jacob von Gunten, nouvel élève, dynamique et motivé. L’adaptation progressive de Jacob à ce nouvel environnement s’avère rapidement passionnante.

La mise en scène de Nicolas Luçon organise le monologue de Robert Walser, écrivain suisse du début du 20ième siècle, en dialogue à sept. Il y a Jacob, le directeur, sa sœur : Melle Benjamenta, Kraus, et trois autres condisciples. Interprétations brillantes. L’ambiance cadre parfaitement avec les textes bien qu’aucun décor ne soit utilisé. Les jeux de lumière (Mathieu Ferry) sont discrets et percutants. Ils reflètent parfaitement le climat angoissant de l’intrigue.

Assez ésotériques, les échanges ne sont jamais anodins. Nous sommes dans un monde onirique riche en métaphores. Le roman initial date de 1909 mais il est intemporel. Histoire de l’(in)adaptation d’un être à son environnement. Tantôt soumis, tantôt révolté, Jacob bascule d’un comportement à l’autre. Lentement mais sûrement, il devient docile, ayant goûté à l’impossibilité de trouver la sérénité dans une ambiance faite de perpétuels conflits.

Kraus, condisciple de Jacob, symbolise le parfait majordome. Toujours d’accord, toujours docile, il est insignifiant. L’institut serait donc une sorte d’asile pour ceux qui ne trouvent pas leur chemin, un lieu dans lequel la soumission et le néant deviendraient une fin en soi. Ce spectacle se présente comme un conte de fée moderne suscitant une réflexion sur le rôle et la place de l’individu dans la société. Avec humour et candeur, avec sérieux et conviction.