Lundi 23 novembre 2009, par Cindya Izza

King of flop

Ou comment gâcher un roman de Stephen King

Publié en 1984, "Les yeux du dragon" est sans doute un des romans les plus méconnus de Stephen King, et pour cause : il tranche nettement avec le reste de sa production. Laissant pour une fois ses horribles monstres au placard, le roi de l’horreur signait là (à la demande de sa fille) un conte traditionnel dans le plus pur style "fantaisie héroïque", que les frères Grimm eux-mêmes n’auraient pas renié...

Des gentils, des méchants, un château, un dragon, de la magie et des histoires d’amours, le tout à la sauce d’un des meilleurs "raconteurs" du 20e siècle : il y avait donc là un joli potentiel à exploiter. C’est alors qu’on constate que les meilleures matières premières peuvent être irrémédiablement gâchées par une utilisation sans finesse et sans intelligence.

Si elle est fidèle à l’histoire originale, l’adaptation d’Olivier Clement ne lui rend en rien hommage. Trop longue, trop lourde et trop plate, on peine à se passionner pour l’intrigue et ses personnages.

Sur scène se croisent et s’entrecroisent une foule de comédiens dont l’interprétation manque cruellement, sinon de talent, du moins de relief et de conviction. Une mention spéciale cependant à Yann Lejeune (déjà aperçu en d’autres circonstances dans ce même rôle de troubadour-conteur), Vincent Kerkhofs et Thomas Vullo, les seuls à insuffler à leurs personnages vie et personnalité.

Autre regret : les "effets spéciaux" pompeusement annoncés par l’affiche prêtent franchement à rire. Fumigènes, boîtes à double-fond et autres tours de passe-passe viennent augmenter l’effet "mauvaise parodie de fancy-fair".
La pièce aurait gagné en profondeur et en symbolisme si la mise en scène avait tablé sur l’épure et la simple suggestion, voire si le metteur en scène avait eu l’audace de prendre l’histoire à contre-pied et de jouer à fond la carte de ce second degré dont on a vu quelques pâles esquisses et qui aurait mérité d’être creusé.

Au final : une mauvaise farce, lourde et gênante, qui peine à captiver le public passé l’effet de curiosité des dix premières minutes (à noter : la pièce dure trois heures...On saluera la ténacité et le professionnalisme de la soussignée).
Le très joli cadre du théâtre de la Ruche méritait franchement mieux ; le public aussi.