Vendredi 10 novembre 2017, par Jonas Parson

Jan Lauwers, encore et encore

We are the people
Who never stop
We say flop and hop and hop and hop
We just go on and on and on and on…

Aller voir un spectacle phare d’un artiste majeur de la scène théâtrale contemporaine, rejoué presque quinze ans après sa première, est toujours un exercice qui remplit d’appréhension. Trop souvent ces spectacles ont mal vieilli, perdant de leur percussion. Ont-ils leur place dans le programme des théâtres aujourd’hui
S’il y a des spectacles qu’ils vaudraient mieux laisser entre les pages des recueils d’histoire du théâtre, La Chambre d’Isabella de Jan Lauwers et le Needcompany n’en fait certainement pas partie. Cette pièce musicale et dansée sortie en 2004 n’a perdue aucune de sa vigueur, à l’instar de l’incroyable Viviane de Muynck, qui joue le rôle central de la pièce. Jouissif, revigorant, grinçant par moments, cette pièce nous rappelle pourquoi Jan Lauwers et la Needcompany jouissent d’une telle renommée.
Isabella ne voit plus. Elle a 94 ans, et seule dans sa chambre, entourée de sa vertigineuse collection d’artefacts africains, elle parle aux morts, revisite sa vie. Celle d’une femme à l’appétit insatiable, dans un monde qui ne lui fait pas justice. C’est une vie de fantasmes et de mensonges, d’ivresses et d’amertume.
Neuf artistes se partagent la scène, entièrement blanche à l’instar d’un white cube de galerie d’art. Cette sobriété est contrastée par le foisonnement des objets de la collection d’objets africains, présentés par Jan Lauwers au début du spectacle comme un héritage de son père Felix Lauwers, mort deux ans avant la création du spectacle. C’est un peu un hommage à ce dernier que La Chambre d’Isabella. Felix, c’est le mystérieux prince du désert, père fantasmé d’Isabella. Il traverse la pièce, sourire légèrement ironique, et mouvements déliés. Un peu plus tard, c’est l’hémisphère gauche du cerveau d’Isabella ou encore sa zone érogène, interprétée par le narrateur du spectacle (« un évènement jamais vu dans l’histoire du théâtre ! »).
Jouant entre abstraction, éclatement et incarnation profonde, la Needcompany propose deux heures en compagnie d’Isabella qui ne laissera personne indifférent. 
A voir jusqu’au 11 novembre au Théatre National.