Lundi 7 décembre 2015, par Catherine Sokolowski

Ivresse verbale

Accueil ouvert et généreux au Théâtre de la Vie à l’occasion des « Reflets d’un banquet », adaptation du « Banquet de Platon » par la jeune Pauline d’Ollone. Le charme du lieu doublé d’une atmosphère conviviale entoure les discours philosophiques parfois pompeux d’une aura bienveillante. Les comédiens interpellent le public, pas forcément obligé de répondre, du regard principalement, et cette communication visuelle illumine les débats. Un échange vif et intéressant entre les convives du jeune poète Agathon d’une part, les comédiens et le public d’autre part.

Nouvel agencement des lieux avec, pour toile de fond le (vrai) bar du théâtre. Même la sortie est intelligemment utilisée comme telle. Le « Banquet de Platon » est constitué d’une suite de discours écrits en 380 avant J.-C. sur les thèmes de l’amour et de la beauté. L’esprit est assez fidèle au texte original même si Pauline d’Ollone y ajoute sa touche personnelle notamment en renforçant le rôle du seul personnage féminin (Anne-Marie Loop alias Diotime, le contradicteur et la joueuse de flûte).

Le Banquet est organisé pour célébrer la victoire d’Agathon, jeune poète qui a reçu un prix dans un festival. Ayant tous beaucoup bu la veille, les invités décident de se modérer. Eryximaque, médecin instruit interprété par le charismatique Pierange Buondelmonte, organise les débats. Chacun à son tour y participera, apportant son style et son emphase à un thème intemporel. Parler de l’amour est un plaisir, débattre à n’en plus finir sur ses vertus, prouver une chose et son contraire pour finalement arriver à douter, tels seront les enjeux de ces discours, parfois abscons. Les joutes se succèdent, menées par Phèdre (Achille Ridolfi), brillant orateur, Agathon (Adrien Drumel) qui rappelle de temps en temps l’objet de la fête (son prix), Pausinias (Jérémie Siska) amant d’Agathon, Aristophane (Ridolfi aussi), Diotime (Anne-Marie Loop), Socrate (avec la voix grave de Philippe Grand’henry) qui se fait désirer ou Alcibiade (Jérémie Siska transformé), ivre et légèrement provoquant.

Moderne et modernisé, le texte fourmille de réflexions. « Ce qu’on n’a pas, ce qu’on n’est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l’amour ». Avec aussi quelques parallélismes avec l’actualité, comme une digression sur le racisme.

Le Banquet est raconté, de temps en temps, les discours se font indirects : la soirée est en fait relatée. Il ne serait pas inutile de relire les textes originaux avant d’assister au spectacle, toutefois, moyennant une certaine concentration, il est possible de profiter de la plupart des débats. La scénographie constitue certainement le point fort de ces échanges malgré quelques petites (charmantes) imprécisions. Le dynamisme des acteurs qui semblent revivre en parlant de l’amour (quoi d’étonnant en fait ?) est le second atout de ce rendez-vous avec Socrate qui enchantera les amateurs d’art verbal. A découvrir rapidement, la salle est petite !