Dimanche 23 septembre 2012, par Samuël Bury

Immigration conditionnelle

Odyssée est une succession de tableaux/séquences qui mettent en jeu des immigrants et tout ce petit monde interlope qui grouille autour d’eux. Ca sent la peur, la magouille, le désespoir. Ca pue aussi la démagogie médiatique et l’exploitation de masses. Tout ce patchwork est très bien tissé. Parce qu’il forme une quête vers l’Europe tant convoitée. Avec son texte à la fois prosaïque, percutant et drôle à certains moments, Gustave Akakpo fait dans la lucidité acceptable. Même si quelques faiblesses viennent déforcer un propos plutôt fort.

Si certains ont pour objectif de vie un gros compte en banque et tout l’attirail qui va avec, d’autres ont l’horizon pour Eden et un continent rêvé qui se cache derrière. Des immigrants clandestins pour qui l’odyssée représente plus qu’un voyage. Presque une vie. Des immigrants conditionnés par la réussite de leur délirante entreprise.

Ces puissantes volontés sont campées ici par une belle bande métissée de comédiens. Les accents se chevauchent, les cris fusent parfois à l’unisson.
On vit, on se rencontre, on s’évite, on se comprend et on ne se comprend pas.
Au final on retrouve quelques tenaces sur une barque qui ont jeté leur nom à la mer pour emprunter ceux de héros mythologiques. Il se feront happer en cours de route par une équipe de voraces inventeurs de shows télé qui les utiliseront à des fins pas très reluisantes.

Tout ce monde dynamise la scène. Les décors changent souvent, escamotables comme des tables de vendeurs à la tire. Et des mélodies world home made enveloppent le spectacle pour donner aux actions leur juste part de fiction.
Les dialogues font sourire et même rire à certains moments tout simplement parce qu’ils sont proches du cliché qu’on se fait de cette catégorie de gens qui n’ont rien à perdre tout en subtilisant à ce cliché une once de sur-réalité finement formulée.

Alors, oui, il y a aussi quelques faiblesses. Comme cette émission de télé-réalité (Boat People) qui a tendance à tirer en longueur et à verser dans le « sur-jeu ». L’idée est bien tournée mais l’exploitation du thème est à certains moment un peu traînante, un peu trop.
En finalité, Odyssée est une pièce très aboutie et presque une fable moderne.