Jeudi 25 octobre 2018, par Palmina Di Meo

IL NOUS FAUT L’AMÉRIQUE !

Ce texte de Koffi Kwahulé, auteur franco-ivoirien réunit les ingrédients d’une gigantesque
farce. Un couple et leur ami font ménage à trois. Désœuvrés, sans le sou, ils passent leur
temps à se chamailler à propos de tout et de rien, quand ils ne rêvent pas d’occire leur
colocataire. La palabre est leur affaire la plus sérieuse. Seule femme flanquée de deux
machos, Badibadi émergera comme la mère salvatrice de ce trio que rien ne promet de
survivre à son propre naufrage. Seulement voilà, Badibadi dont le ventre arrondi chatouille l’orgueil de Topitopi, son mari, se met à pisser du pétrole !

Aussitôt, Opolo prend l’affaire en main et orchestre la tournée internationale qui doit assurer leur fortune. Exposée comme une curiosité sur un champ de foire, Badibadi va enfler jusqu’à exploser pour se métamorphoser en orchidée... Ce qui permet aux joyeux compères de l’exploiter au-delà de la mort et qui sait, de conquérir l’Amérique. Pièce allégorique, « Il nous faut l’Amérique », est écrite comme une chanson avec des refrains, des anaphores, des couplets et des ponts. Rien d’étonnant si on sait que Koffi Kawhulé avait l’habitude d’écrire en écoutant le même morceau de jazz en boucle. La promesse de l’Eldorado se solde par la stérilité sentimentale mais le rêve doit continuer car nul ne sait où il peut nous mener. Si la mise en scène de Denis Mpunga est teintée de rose, le rêve reste noir comme cet or qui coule du ventre de Badibadi et c’est peut-être cette facture de ritournelle qui nous empêche de vraiment décoller avec eux dans la folie et la démesure.

Yves-Marina Gnahoua, François Ebouele et Hippolyte Bohouo, les trois larrons de
l’arlequinade, sont à la hauteur du pari clownesque. Et Denis Mpunga s’offre une friandise en invitant la danseuse Uiko Watanabe, dans le rôle d’une journaliste japonaise. Feu follet, aérienne, elle donne un souffle inattendu au texte, sublimant le projet spéculateur de nos deux nababs.