Samedi 29 septembre 2012, par Catherine Sokolowski

« I will survive »

A partir du récit de Florence Aubenas « Le quai de Ouistreham », Isabelle Pousseur, sollicitée par Catherine Mestoussis et Magali Pinglaut, a mis en scène « Les invisibles », un spectacle sensible, physique et percutant. Le public se retrouve parfois témoin, parfois acteur de cette course au CDI, de cet hommage aux humbles, à ces femmes de ménage engagées à des salaires scandaleusement bas par des entreprises de nettoyage peu scrupuleuses. Du théâtre militant porté par deux actrices éblouissantes et très motivées.

Journaliste, Florence Aubenas (brièvement interprétée par Isabelle Pousseur) s’est glissée dans la peau d’une demandeuse d’emploi d’une quarantaine d’années, titulaire du bac mais sans expérience professionnelle. Elle évoque un long périple de travail précaire qui commence par une formation. Compétences requises ? Vitesse. Savoir lire. Savoir écrire. Respecter les consignes. En quelques heures de stage, les femmes de ménage deviennent opérationnelles. Elles sont prêtes à nettoyer une vitre sur deux pour gagner du temps, à « faire les sanis » au pas de course, à nettoyer les ferries de Ouistreham malgré leur réputation et même prêtes à devenir invisibles.

Sur le plan scénique, beaucoup de place réservée au spectacle, comme un signe de respect pour ce qui s’y passe. Une dynamique spatiale intense accompagnée d’amples mouvements de rideaux de fils. Une mise en scène qui met en évidence les déplacements et l’aspect physique intensif du travail presté.

Au niveau du contenu, les thèmes évoqués foisonnent. De manière générale, le parcours parsemé de rencontres, et, plus spécifiquement, l’usure physique, les salaires dérisoires, les normes quantitatives irréalistes, les horaires incompatibles avec une vie de famille ou l’obligation de flexibilité.

Enfin, sur le plan émotionnel, ces femmes sont très touchantes : « submergées par la crasse et le désespoir », elles s’éclatent dans les vestiaires en chantant « I will survive » façon Gloria Gaynor ou « Je veux de l’amour, de la joie, de la bonne humeur, ce n’est pas votre argent qui fera mon bonheur » en se prenant pour Zaz. Les voici devenues un peu plus visibles grâce à ce magnifique travail collectif empreint d’humanité (avec aussi la participation de Guillemette Laurent), petit bijou de théâtre quasi documentaire subtilement agrémenté de quelques touches d’humour. A ne pas manquer !