Mardi 16 octobre 2018, par Titiane Barthel

Hymne à l’imperfection,

avec Mathieu d’Angelo alias Maky et Fabrice Blin alias Fabot, mise en scène de Manuel Antonio Pereira

Réduit au silence trop longtemps, le poète urbain Maky, accompagné au son par son acolyte Fabot livre une traversée de sa vie, d’enfant hyperkinetique à un être imparfait et fier de l’être.

Mathieu d’Angelo, alias Maky, nous accueille, s’assoit face à nous, et nous souhaite un bon voyage, avant de nous entraîner dans un voyage sans fond où nous perdons pied. Bien accrochés à ses côtés, nous glissons petit à petit dans un monde qu’il construit pour nous, armé de ses mots. Slameur, enfant blessé, petit commercial frustré, dealer désabusé, chacun de ses profils défile devant nos yeux, chacun constituant une partie du puzzle de ce grand hymne à l’imperfection.
Ce « faux » one-man show, en réalité une discussion entre un poète et un musicien, crée une rencontre, fait s’associer deux codes à la puissance démultipliée. Il n’y a rien de plus beau à voir que ce dialogue en construction sous nos yeux, qui constitue le fil rouge du spectacle ainsi qu’un soutien dans la retraversée qu’opère Maky sous nos yeux d’une vie de silence qu’il a enfin décidée de briser. Cette vie est dévoilée avec un ton doux-amer, où l’humour devient la meilleure arme pour construire une confiance en soi.
La grande réussite de ce spectacle est avant tout l’inclusion du spectateur, réalisée ici avec une finesse et une simplicité rarement trouvée sur d’autres scènes. Posée comme un contrat dès l’ouverture du spectacle, cette inclusion est impliquée dans la scénographie même du spectacle, constituée de multiples hauts-parleurs accrochés au-dessus de la scène. Le son ainsi spatialisé englobe le spectateur. Ces hauts-parleurs deviennent également un monde à part, où on voit se projeter des images d’yeux et de bouches, créant une atmosphère de plus en plus oppressante. Finalement, Maky prépare la piste d’atterrissage avec le même soin qu’il a mis à nous faire décoller. Progressivement ramenés aux planches de l’espace Magh, nous sommes rendus à nos propres imperfections, celles qui ne rentre pas dans les cases de la normalisation sociale, et qu’il ne nous reste plus qu’à aimer, avec la même rage que Maky mets dans ses textes.
A la frontière entre le concert et le spectacle, Hymne à l’imperfection constitue une démarche singulière et originale, une pièce unique dans l’univers du slam à l’époque contemporaine. Cette place rare donnée à la parole slamée mêlée à une écriture biographique fait de ce face-à-face entre musique et langue un moment suspendu, à la grâce âpre et aiguisée.