Vendredi 8 novembre 2019, par Catherine Sokolowski

"Hug me"

Deuxième volet d’une tétralogie autour de l’Eveil du Printemps (Frank Wedekind, 1891), le 19ième spectacle de Armel Roussel est conduit par Jarmo Reha, Estonien de 28 ans, « jeune et mature, complexe et terriblement d’aujourd’hui ». Le spectacle est un voyage multiculturel, une rencontre avec la jeunesse du Japon, du Sénégal et d’Inde. Jarmo fait les présentations et lie les séquences. Les jeunes gens font part de leurs ambitions, de leur salaire, de leur situation amoureuse, de leurs conditions de vie et de bien d’autres choses encore. Tout cela avec bienveillance et humour. Une initiative instructive et chaleureuse.

Lorsqu’une opportunité s’est présentée, Armel a pensé à Jarmo : « j’ai une proposition bizarre à te faire ». Bien que Jarmo ait eu quelques doutes (« Es-tu dans ton état normal Armel ? »), il a accepté avec enthousiaste. Ils sont partis quelques jours ensemble, pour faire connaissance. C’était le début de cette belle collaboration.

A travers Jarmo, le voyage commence en Estonie. Sympathique, accessible, le comédien déclare qu’il a « 80% de désir d’être là et 20% de peur d’être là ». Tout au long du spectacle, au milieu d’éléments quantifiables s’invitent quelques estimations improbables. Tout en subtilité et avec beaucoup de naturel, le jeune homme s’exprime en anglais, ne ratant pas une occasion d’apporter une touche d’humour à ce spectacle de théâtre documentaire.

Après l’Estonie, le Japon. Comment saluer les Japonais ? La séquence d’accueil commence par une révérence et se termine en accolade. Les cultures se rencontrent, « tout est grave et léger ». Les différences existent et sont également physiques « Pour devenir japonais, raccourcis tes cheveux, porte des vêtements sombres…ne montre jamais tes sentiments ». Beaucoup d’enthousiasme dans les partages entre communautés. Au Sénégal, la parole est donnée à une actrice. Elle gagne 300 € alors que la moyenne nationale est de 103 €. Elle a la chance de travailler aussi à l’étranger. Le tour du monde se termine en Inde. Un jeune homme explique que le métier de son père est de construire des tombes. Là, en cas de vie vertueuse, on peut se réincarner, pourquoi pas en agneau ? Beaucoup de sujets sont abordés, naturellement, simplement, avec humanité. Signe de ralliement : un doigt tendu vers le ciel.

A l’heure de conclure, l’acteur questionne le public : qu’attend-il de lui ? Une morale, un bilan… ? Sa réponse : « Que vive la vie qui brûle ma poitrine ». S’ensuit un dialogue très drôle entre Jarmo et Armel, la présence de ce dernier étant simulée par la main de Jarmo devenue marionnette de ventriloque pour quelques instants. Sans être un « feel good show », le spectacle dégage des ondes positives, le câlin généralisé n’est pas très éloigné. Originale, instructive, humoristique, cette création mérite le détour. Voyage dépaysant au sein d’autres pays, rencontres enrichissantes avec d’autres cultures, et voilà « l’Eveil du Printemps » revisité. Le but est atteint.