Vendredi 29 mars 2019, par Yuri Didion

Hors gravité !

Un couple instable et un autre qui range ses secrets sous le tapis, une fratrie déchirée, un étrange étranger et un ado biberonné aux films d’horreur se retrouvent isolés dans une vieille bicoque glauque. Cela pose une ambiance nébuleuse où la tension monte rapidement, jusqu’à faire exploser les mensonges sous la pression.

Pour ceux qui n’ont jamais posé le pied au Magic Land, Mamy fout le bronx ! c’est l’occasion de découvrir la troupe sur une pièce bien rodée. Les six comédien.nes sont d’une précision chirurgicale, ils enchaînent vannes sur vannes à la vitesse de la lumière. Si on en rate une, il y en a tout de suite une autre pour nous rattraper et nous ramener dans le vaisseau.

Pour les habitué.es du voyage, comme votre serviteur, c’est la chance de découvrir un nouveau comédien qui rejoint la troupe pour l’occasion, de retrouver des têtes connues (et bien chapeautées) dans un registre différent. Et je ne parle pas seulement du dispositif scénographique frontal, plus traditionnel que ce que l’on a pu voir par le passé dans cette salle. Car si l’on connaît notamment le Magic Land pour ses pièces "historiques" à grands décors et costumes tout droit sortis d’un peplum de cinecitta, cette fois-ci, Patrick Chaboud se place dans un répertoire plus contemporain qui souligne le sujet. Il offre ainsi une critique pinçante des relations familiales, assaisonnée avec cette verve qui lui est propre.

D’ailleurs, quel que soit votre humour, vous trouverez forcément de quoi rire dans ce condensé des codes comiques. Les délires fantastico-gore de l’adolescent qui contaminent doucement mais sûrement les "adultes" et les entraînent vers une forme d’hystérie collective raviront les amateurs de situations lunaires et rocambolesques. Ceux qui gardent la tête dans les galaxies des jeux d’esprit se laisseront emporter par une myriade de contrepèteries, calembours et autres jeux de langues qui fusent en tous sens. Enfin, pour les plus terriens d’entre vous, les interprétations burlesque de certain.es comédien.nes feront jaillir le rire comme un extra-terrestre hors de son vaisseau.

Et pour celui qui voudrait jeter un coup d’œil plus analytique dans le téléscope, il trouverait sans doute une constellation de références, plus ou moins marquées. On retrouve certains éléments de Huit Femmes avec ce personnage dont tout le monde parle mais qu’on ne voit jamais, une allusion plus discrète au pastafarisme. Il y a également quelques traits communs avec le Père Noël est une ordure, à l’instar duquel nous ne pouvons qu’espérer qu’elle soit reprogrammée chaque année pour Noël. Mais la référence majeure, la seule citation au sens propre du terme, c’est l’oeuvre de Douglas Adams : Hitchiker’s Guide to Galaxy, plus connue sous le nom "H2G2" - oeuvre bien trop peu citée si l’on m’en croit (encore un coup des Vogons !). Et malgré tout, quand tout semble expliqué restent certaines énigmes, comme cette ancienne et mystérieuse photo, qui laissent place à toutes les supputations.

C’est tout le talent de l’auteur : il vogue sans heurts entre la comédie de mœurs, la farce et la satyre. Cela crée une oeuvre multiforme où chacun trouve son compte.
Et pour ceux pour qui cela ne suffirait pas, le texte, en vente à la billetterie, est à emporter.

Yuri Didion
yurididion.wordpress.com