Samedi 15 décembre 2018, par Didier Béclard

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage

Dans #Odyssée, Pierre Megos mélange cinéma, théâtre et tragédie grecque, passant de la scène à l’écran sans perdre le fil de la tapisserie.

Dans le noir des crachotements sonores, puis la lumière. Un homme en sous-vêtements blancs, slip kangourou et marcel, cagoulé et ganté, une femme à ses côtés dévide et tricote la laine de ses accessoires. Lorsqu’elle coupe le lien qui les rassemblait, il s’écroule et elle le chevauche poussant des râles d’orgasme.
Elle saisit une arme à feu et tire sur un hélicoptère puis se fait elle-même abattre. Lui, ouvre une boîte d’où sort une lumière orange et une musique douce ainsi que ce qui ressemble à un smartphone. Il ne fonctionne pas et il le jette au sol. Un écran vertical s’allume en fond de scène sur un appel Skype venant de Calypso.

Pierre Megos, Belge d’origine grecque, emprunte l’Iliade et l’Odyssée d’Homère pour narrer l’histoire de Mister Peter, un réalisateur déchu qui tente de faire son come-back à Hollywood. Mister Peter se heurte aux réticences des maisons de production parce qu’il a défiguré Mister Goldstein, qui se considère comme le roi dans son royaume, figure incontournable du milieu du cinéma après que celui-ci ait essayé d’embrasser sa femme – l’allusion à Harvey Weinstein est on ne peut plus limpide.

La pièce se divise en trois actes, le premier correspond à la la pré-production, vient ensuite la production pendant laquelle l’écran devient horizontal et sur lequel on voit Pierre Megos/Ulysse/Mister Peter évoluer en incrustation en bord de mer, dans les dunes et enfin la post-production du long-métrage de Mister Peter.

Techniquement, le travail est millimétré, impressionnant et l’aspect théâtral ramené à son essence par la présence sur le plateau de Uiko Watanebe (dont le Varia a la très bonne idée de reprendre l’émouvant et extraordinaire « Oshiire » en mai prochain.)
Sur l’écran défilent des « vedettes » du théâtre comme Selma Alaoui, Florence Minder, Sophie Senecaut ou Martine Wijckaert, pour ne citer que celles-ci.

Le ménage d’images préenregistrées et le jeu en direct des comédiens demande ici une précision sans faille. Et le périple multipliant les mises en abyme fait une large allusion à la problématique des réfugiés/migrants. « There is no home, Mister Peter ».

Écriture et mise en scène de Pierre Megos, avec Pierre Megos et Uiko Watanabe. Du 7 décembre au 20 décembre 2018 au Théâtre Varia à Bruxelles, 02/640.35.50, http://varia.be.