Lundi 14 septembre 2020, par Didier Béclard

Guillermo Guiz sort de l’ombre du père

Après un premier spectacle, « Guillermo Guiz a un bon fond », salué par le public et la critique, l’humoriste revient avec « Au suivant » dans lequel il évoque son rapport à l’enfance (et à l’âge adulte), avec une émotion juste et un humour percutant.

Guillermo Guiz entre en scène tandis que les hauts-parleurs égrènent quelques notes de la chanson éponyme de son spectacle. Voilà, ça c’est fait, on passe à autre chose : l’enterrement de son père. A partir de ce fil rouge, Guillermo Guiz entend braver la mort et prévient d’emblée – tel l’avertissement qui figure sur les paquets de cigarettes – ici le second degré est de mise. Vous voilà prévenus, après vous faites ce que vous voulez, lui il fonce.

Du détail qui situe sans ambiguïté une personne à l’image qui fait mouche, l’humoriste traverse à cent à l’heure une esquisse d’éloge du père, une exploration de la transmission, des traumas de l’enfance à la seule perspective qui lui reste de devenir vieux père. Né au début des années 1980, Guillermo Guiz a grandi à Anderlecht avec pour seul modèle familial – qui n’a pas été créé intentionnellement - un homme célibataire avec un enfant seul. Sa mère alcoolique disparaît tôt de sa vie. D’ailleurs, il a vu des choses qui auraient dû (notez le conditionnel) le dégoûter de l’alcool.

Son père, André Verstraeten, misogyne et féministe, a élevé le petit Guy dans un athéisme de combat, faisant passer toutes ses certitudes directement dans le cerveau de l’enfant sans lui transmettre aucune intelligence émotionnelle. Faut-il y voir l’origine de certains de ses comportements avec les femmes ? « On a tous grandi avec des codes », se contente-t-il de répondre avant de souligner qu’il fait partie d’une génération qui, à cet égard, se retrouve un peu le cul entre deux chaises. Cette génération entre Les Années Bonheur de Patrick Sébastien et Konbini, où il était stylé d’avoir couché avec beaucoup de filles et qui est aujourd’hui confrontée au féminisme. « J’ai jamais de chance ».

L’écriture acérée, l’interprétation à la nonchalance feinte et le rythme implacable emportent le public dans un rodéo où affleurent les souvenirs et les blessures d’enfance. A la marge, il aborde des thématiques (la grossesse ; l’école, l’immigration, le sac banane, la religion, ...) qui, l’air de rien, appuient son propos. Tout comme il sème, tout au long du spectacle, des éléments en apparence anodins qui finissent par ressurgir, avec force, à un moment ou un autre. Saluant humblement ce père qui lui a laissé une marge de progression qui lui permette de le dépasser, il ne se prive pas de rire de lui et de partager sa propre médiocrité dans cette course échevelée à la virilité.