Mardi 1er mars 2022, par Dominique-hélène Lemaire

Greenville vibes

Voici un bric à brac d’affects néo-romantiques dégageant une énergie d’enfer. Tous azimuts, les comédiens s’entrechoquent entre mythe, concert rock et documents d’époque. Un âge d’or ? Attention cela secoue dans la nacelle. Les décors sont poussés par le vent du souvenir. Les voix et les corps, eux, totalement années 2020.

Les questions viennent en vrac, le texte… est finalement, un prétexte. Ce qui fascine c’est cette tempête sur scène, la connivence des comédiens qui apparemment s’entre dévorent et leur fureur de vivre. Le canevas est là pour broder les fantasmes de 5 jeunes qui jonglent avec les questions du temps, d’ici et d’antan, dans un mélange spatial et une chorégraphie qui donnent le vertige. Ils peuvent bien rêver …nos jeunes assignés à résidence par la pandémie et devenus esclaves de leurs écrans !

On aligne devant eux Elvis, les Beatles, The Throgs, The Doors, gravés sur les pupitres à l’école …quand le bois existait encore ! Une vie de musicien rock est-elle plus intense qu’une vie d’agent d’assurances ? Comme tout le monde, ira t-on invariablement au charbon ? C’est quoi réussir sa vie ? Ou passer à côté de sa vie ? Choisir passion ou raison ? Rencontrer l’Amour… ou la mort, petite ou grande.

Des bribes de jeunesse dorée flottent sur ce fleuve bouillant de souvenirs éphémères. Truffaut avait pourtant bien prévenu : « L’adolescence ne laisse un bon souvenir qu’aux adultes ayant une mauvaise mémoire » . Mais comment s’empêcher d’idéaliser ?

Ainsi l’histoire montre que le Destin aveugle renverse les tours, explose des tragédies, joue mille tours pendables. Et Greenville, ce groupe de musique imaginaire qui a le vent d’Amérique en poupe, dépasse tous les autres. C’est une légende en marche, ils sont prêt à tout brûler pour de la musique. Quitte à virer sans scrupule le fondateur du groupe. Des loups, vous dis-je ! Avides d’essentiel, du moins, c’est ce qu’ils prétendent. NDLT : On a oublié Reggiani, et ceux qui sont entrés dans Paris. Et pourtant, ils étaient tellement attendrissants, ces ados de la page 9 de l’opus de Régis Duqué, l’auteur de la pièce échevelée !

C’était au temps où la musique s’écoutait religieusement, se recherchait comme un objet de culte, se chérissait comme on berce son âme en peine. « Vous savez, aujourd’hui, la machine a pris le pouvoir. On a tué le désir ! » vivent les téléchargements et le règne de la souris. Définitivement perdu, le sourire du chat de Cheshire.

Et le sociologue de service de déclarer, beau cliché, que « cette génération n’est pas politisée comme avait pu l’être celle de leurs parents et grands-parents ». Oui, Woodstock …. c’est fini ! Et dire que c’était la ville de mon premier amour…

Y’a donc plus de fête, y’a plus de musique, juste… du commerce. C’est tout le drame. Bref, ce spectacle, qu’est-ce qu’il décoiffe ! Avec en tête notre préférée, à la voix d’or ,une icône de nos plateaux belges : Daphné d’Heur

Et ….Nicolas Buysse, Cédric Juliens, Eno Krojanker et Renaud Van Camp

Dominique-Hélène Lemaire

Photos : Alice Piemme/AML