La scénographie, plus légère qu’à l’habitude, garde son aspect "narratif" habituel au Magic Land : les différents espaces sont dessinés sur les différentes scènes par un fond et quelques meubles. Le décor offre quelques appuis de jeu, et c’est d’ailleurs cet aspect fonctionnel qui semble avoir dicté la conception.
Le texte, signé Chaboud, comporte les marques humoristiques traditionnelles et attendues dans ce théâtre : contrepèteries, jeux de mots, évocation de l’actualité, et autres clins d’oeil à notre temps. Cette fois, le texte s’inspire également des romans naturalistes : les personnages principaux et leur parcours ne sont pas sans rappeler Valjean, les Thénardier, Cosette ou Marius, les lieux évoquent l’oeuvre de Balzac. Mais ce ne sont pas les seules traces intertextuelles : on retrouve par exemple avec plaisir certaines chansons révolutionnaires comme La guillotine permanente ou La Carmagnole.
Dans tout cela, le propos se perd un peu. Le thème général de l’histoire se devine par le contexte : liberté et contestation populaire apparaissent par le titre et les quelques allusions aux barricades. Mais difficile d’en dire plus, tant certains éléments viennent diluer ça : les vices du marquis qui consomme potion sur potion - non sans rappeler Dr. Jekyll - pourrait nous dire que chacun est esclave de quelque chose. Si les liens dominant-dominé qui se renversent - typique de la forme comique - semblent aller dans ce sens, le drame romantique (pour ne pas dire hugolien) qui lie les personnages principaux approche la morale personnelle, la construction de soi et la recherche de sens.
Néanmoins, le pari de la création tient la route. Chapeau aux artistes d’oser, dans un contexte difficile, continuer cette aventure toujours plus incertaine que le répertoire. D’ailleurs, comme toujours, sur scène comme au dehors, les comédiens gardent le cap "Magic" : accueil chaleureux, dynamisme, pétillance sont au rendez-vous. Leur écoute du public fait évidemment monter la sauce : ils se donnent à fond pour garder le plateau chaud, et réagissent au quart de tour aux réactions de la salle avec une inventivité toute virtuose.
Yuri Didion