Lundi 1er décembre 2014, par Blanche Tirtiaux

Faites place aux rois vagabonds

Les rois vagabonds présentent en duo un concerto extraordinaire mêlant cirque et musique. Une belle clownette chante, danse et joue du violon pendant que son auguste partenaire fanfaronne aux cuivres entre deux chutes maladroites. Un véritable bijou dégotté par le théâtre 140 à Avignon pour nous en mettre plein la vue.

Sur scène un élégant lustre aux pendrillons de verre et une petite niche de velours rouge annoncent la couleur. L’espace scénique est prêt à recevoir nos deux rois et leur concerto de haut vol. La reine fait son apparition tout de blanc vêtue, une valisette à la main, le pas léger et la pirouette gracieuse, suivie par son acolyte vagabond. Avec sa grosse malle de fer et ses gestes patauds, le deuxième tente coûte que coûte de suivre la diva dans ses grands airs. Madame sort le violon de la valisette et se met à jouer avec virtuosité, Monsieur sort le tuba rafistolé de la malle pleine de paille et crachotte quelques notes graves. La petite mécanique est lancée, la belle et le bête nous ravissent déjà de leur duo délicieux.

Le concerto n’est que prétexte, on pouvait s’en douter. Ces deux là ont plus d’un tour dans leur sac, et en plus d’être drôles et terriblement bien assortis, ils nous époustouflent par leur technique musicale et acrobatique, tout en offrant à nos mirettes une kyrielle d’images. De la niche rouge surgissent ponctuellement quelques trouvailles, une jupe gigantesque s’étire sur la musique endiablée du violon pour faire apparaître successivement une impératrice, un géant aux pieds d’argile, une créature sous-marine. De tableau en tableau, on sort d’un jeu pour en rejoindre un autre, slalomant entre musique de chambre, opéra, périple sur les mers, galipettes ou chorégraphie déjantée, surpris toujours par l’originalité des images qui s’impriment sur nos rétines.

Et pendant ce grand voyage, Monsieur et Madame déploient une relation complice, revisitant l’inconditionnel couple du clown blanc et de l’auguste avec une bonne dose d’humour, de surprise et de créativité. Le grand maladroit n’a pas dit son dernier mot et, fidèle au canon du genre, réussit le plus souvent à sauver la mise par l’un ou l’autre clin d’œil discret dont le public raffole. Car si le spectacle tient son cap de A à Z ce n’est pas tant en raison de son rythme cadencé, que de la performance sans accrocs des acteurs qui maîtrisent leurs arts avec une facilité déconcertante et servent au public un spectacle rodé au poil.

Des clowns au théâtre ça n’est pas courant, et ça fait du bien ! Merci à vous, Vos chères Altesses royales ; princes du rire et de la scène, vous méritez sans conteste vos lettres de noblesse.

Blanche Tirtiaux