Vendredi 1er décembre 2017, par Catherine Sokolowski

Eteignez vos golems, le spectacle va commencer !

Petit chef-d’œuvre technologique, Golem est une satire de la société contemporaine qui rend l’homme complètement dépendant. Une question ? Google répond. Un souci ? Virtuellement, des millions d’amis. Une envie, demandez à Siri (assistant sur l’iPhone). Et si la technologie avait pris le dessus ? Paradoxalement, ce spectacle pluridisciplinaire repose sur l’objet de sa critique et ce, avec une maîtrise totale. Un conte moderne, intelligent et drôle qui utilise les slogans pour alerter les ados et les adultes : un homme averti en vaut deux !

« Annie and the underdogs » est un petit groupe punk qui va « pourrir votre Noël ». Le ton est donné, la comédie sera déjantée. Sur un mode très british, l’histoire se met en place. Après quelques délicieuses explications permettant de mieux cerner les protagonistes (Annie, leader du groupe précité, la grand-mère, Robert, le frère d’Annie, et Joy une jeune fille peu ambitieuse), le Golem entre en scène, sorte de robot monstrueux à la fois docile et serviable.

Le Golem, géant d’argile, est issu de la mythologie juive. Il ne parle pas et n’est pas doté de libre arbitre. Bien au-delà de ces limites, le personnage dont il est question ici va progressivement acquérir son autonomie, allant jusqu’à faire perdre la leur aux personnages qui l’entourent. Ce renversement de situation n’est pas dénué de sens : le Golem symbolise toutes les formes contemporaines de dépendance, comme les réseaux sociaux, le marketing, la mode (« Si tu t’habilles bien, le monde t’appartient ») ou les smartphones.

Ce scénario palpitant n’est pourtant pas la facette la plus étonnante de cet objet pluridisciplinaire. Ce qu’il y a d’éminemment singulier, c’est l’utilisation créative du numérique à des fins visuelles, la symbiose entre les personnages et la technique parfaitement maîtrisée, à la fois discrète et omniprésente. Ce chef-d’œuvre moderne, qui n’hésite pas à mettre à l’honneur un système qu’il décrie, associe l’expressionisme du cinéma muet, le théâtre, l’animation, la musique et le conte. Il a été réalisé par Suzanne Andrade et son mari Paul Barritt, dessinateur, fondateurs de la compagnie anglaise 1927, année de sortie de « Metropolis ».

La figure mythique du Golem a souvent été mise en scène, on pense à « Der Golem » de Paul Wegener en 1920 ou « Le Golem » de Julien Duvivier en 1936. Il a inspiré beaucoup de réalisateurs (Frankenstein, Voldemort, Hulk, Superman…) et a aussi trouvé sa place dans les jeux vidéo. Il s’intègre parfaitement dans cette nouvelle création, évoluant au gré des images de synthèse qui défilent sur un écran géant, donnant un dynamisme extraordinaire à ce spectacle éclatant : Golem Version 1, achat opportun, Golem Version 2, tout le monde en veut, Golem Version 3, le monstre fait la loi… Une évolution à ne pas manquer, attention, plus que quelques jours de représentation !