Mardi 15 novembre 2005, par Xavier Campion

Erico Salamone

Erico Salamone dans « Couple ouvert à deux battants »
de Franca Rame & Dario Fo (Prix Nobel de Littérature 1997) à l’Atelier 210 (210 Chaussée Saint-Pierre à Etterbeek) jusqu’au 9 novembre 2005.

Un clic de plus et je me suis retrouvée sur le sien http://www.erico.be

Erico SalamoneCela fait plus de quinze ans que je le connais et que je le suis comme une vieille groupie. Néanmoins, lorsque Comedien.be m’a demandé de l’interviewer, j’avoue avoir été regarder sur le site où il apparaît parmi les 400 comédiens fichés.

Rico, j’ai été favorablement impressionnée par ton site que je trouve très bien fait. En même temps, cela m’a appris bon nombre de choses que j’ignorais de toi : par exemple ces études à l’ULB…

Ah oui, je m’y suis inscrit pendant 2 années. J’y ai suivi en élève libre, les cours de philosophie, de journalisme et de communication. C’est-à-dire que j’allais aux cours, mais que je ne passais pas les examens. Ce n’est pas trop pour moi les examens, je suis un peu paresseux intellectuellement. [1]

Enfin c’était une bonne expérience et je peux dire que cela m’a « structuré » Oui, depuis tout petit j’étais hyperkinétique  [2] et l’univ’ m’a un peu restructuré.

Justement, ce qui m’a frappé, tant en regardant ta galerie de photos que lorsque je te vois sur scène c’est l’extrême plasticité de ton visage. Un visage polymorphe. Un effet caméléon qui fait que, parfois, j’avoue ne pas t’avoir reconnu tout de suite. Et là, ce soir, en matière de transformisme, je n’ai pas été déçue. J’ai retrouvé cette expressivité, cette mobilité du visage et des mains que je retrouve chez d’autres comédiens belges d’origine italienne : Pietro Pizutti, Michangelo Marchese, Carmela Locantore, Daniela Bisconti. Une origine bien palpable.

Que veux-tu, je suis né en Belgique d’un père Sicilien et d’une mère Espagnole. J’y ai fait mes études, mais toutes mes vacances se passaient en Sicile ou en Espagne. Tu parles d’un héritage ! On ne sait pas toujours où l’on va mais on sait d’où l’on vient !

Pour moi, la famille, c’est très important. Le théâtre aussi, c’est une famille… Et c’est à la fois une passion… C‘est un métier éphémère… Ça ne tient à rien. Tu t’investis et puis le 9 novembre c’est fini. C’est une vie… On est marginalisé. C’est un des métiers les plus beaux, mais aussi les plus difficiles. Si je devais faire autre chose ? Non, je ne sais pas. Pas travailler dans un bureau… Ouvrir un restaurant sur une plage ?… Non, si je devais faire autre chose qui me rendrait heureux, ce n’est pas un niveau de vie que je rechercherais, mais un cadre de vie.

J’aime ce métier qui me demande d’être polyvalent. Ici, en Belgique, si tu veux travailler dans ce métier, tu dois pouvoir toucher à tout : théâtre, cinéma, pub, doublages. Sinon tu ne t’en sors pas. Et au bout du compte, cela te laisse de merveilleux souvenirs.

Par exemple ?

Mes meilleurs souvenirs ? Il y a d’abord eu Gosses de Merde (I et II) de Xavier Percy. C’était vraiment super. Et puis Le Village oublié d’au-delà des Montagnes de Philippe Blasband, mis en scène par Véronique Dumont qui vient de signer la mise en scène du Couple Ouvert à Deux Battants.

Parlons-en si tu veux bien.
Donc, comme elle vient de me le dire, Isabelle Jonniaux est « légèrement » enceinte au début de cette année. Et elle a des envies ! Une de ces envies est de monter COPPIA APERTA une pièce écrite en 1983 par les enfants terribles du théâtre italien et de la Commedia dell’Arte : Dario Fo et sa femme Franca Rame. Une scène de ménage à l’Italienne pour laquelle ils se seraient basés sur leurs expériences personnelles (!) Ambiance !
Isabelle rêve de jouer le rôle de cette épouse bafouée par un mari explosif et de mauvaise foi. Et pour partenaire, elle pense immédiatement à toi : Rico. Et à personne d’autre ! Isabelle te passe le texte en te demandant si tu peux le lire - à l’occasion… Pas deux heures plus tard tu l’appelles : c’est OUI !
Isabelle n’en est toujours pas revenue !
Alors, comment tout cela s’est-il passé depuis février ? Comment passe-t-on du rêve à la réalité lorsqu’on tient un projet ?

Premièrement nous avons cherché un(e) metteur en scène. J’avais d’abord pensé à Carlo Boso avec qui j’ai travaillé à plusieurs reprises au cours des 6 dernières années, mais il n’était pas libre. Et comme je viens de te le dire, j’avais déjà travaillé avec Véronique Dumont. Avec elle, c’est du vrai bonheur. Elle donne beaucoup de libertés, a une bonne écoute des comédiens et elle est très ludique. Deuxièmement, pour former l’équipe, on avait encore besoin d’une assistante à la mise en scène, d’une scénographe, d’une maquilleuse, d’une costumière.

Former un bon groupe, une équipe, c’est super important.
Il n’y a jamais eu de tensions, de stress. Que des filles. J’ai été super bien entouré. Dans la douceur et le bonheur.
Troisièmement il faut trouver des sous (Ben oui !) et enfin un lieu.
Isabelle a sa propre compagnie « Lune », mais, par chance, elle a aussi participé à la programmation de la première saison de l’Atelier 210 avec son directeur Benoît Roland. On fixe les termes de la coproduction, les dates, les échéances…

C’est seulement en été que nous avons commencé les premières lectures. Véronique nous a fait un super bon planning de répèt’ et comme on n’est qu’à deux, 6 semaines ont suffit.

Et ce soir enfin il y a eu la Générale

Oui la Générale, c’est vraiment la toute dernière fois où l’on peut se permettre d’être mauvais (rires). Demain, ce sera la Première avec les journalistes, la presse, les amis, la famille, les collègues : on DOIT être bon.

Ce qu’il y a de plus difficile, c’est le lendemain des « premières ». Tu as envie de reproduire tout ce qui t’a littéralement porté la veille … et tu te plantes !

Ce qui est important, c’est que chaque soir soit une « première ».

Rien n’est acquis et, dans ce genre de spectacle, la réussite, pour 50%, c’est le public !

Chaque soir il faut se donner et mériter son public. Et alors il te le rend bien.

Et comment cela se passera le 9 ?

Je n’y pense pas. Je pense à l’instant présent. Le public est là et je ne pense pas que c’est la dernière.

Demain, le 10, la vie continuera avec la famille.

Et puis, ce spectacle va sans doute être joué à Paris en 2006. Carlo Boso qui a racheté les anciens studios Pathé à Montreuil pour y créer une école d’acteurs, va y organiser un Festival Dario Fo.

As-tu d’autres projets personnels ?

Oui, un projet de tournage à Paris.

Et puis un quatrième spectacle avec la troupe de l’ALTANE THÉÂTRE
Je me souviens, de La Mascarade Fantastique et ensuite de La Nuit des Rois que vous avez jouées sur les toits de l’Innovation

Oui on les a même présentées au Festival Off à Avignon. Avignon ça a été vraiment très dur. C’est cher, fort cher, mais heureusement, on s’en est sorti sans perdre d’argent.

Enfin il y a eu Woyzeck de G. Büchner, la saison dernière au Public et en été (hum !) au Théâtre de Verdure du Parc d’Osseghem dont je garde un souvenir amer et trempé

Alors ce 4ème spectacle ?

Euh, il portera un nom bizarre : « Cœur, Foie Chien et Porc »

Et c’est de qui ?

Euh…

Merci Rico, bonne chance à toi, et bon vent !

Propos recuillis par Nadine Pochez

Notes

[1(c’est toi qui le dit)

[2(tu m’étonnes !)