Vendredi 18 octobre 2013, par Laura Bejarano Medina

Entre cœur et corps

Désireux depuis longtemps de faire connaître à sa juste valeur l’œuvre de Fernand Crommelynck, Michael Delaunoy porte à la scène un trésor théâtral gracieux et envoûtant. Avec La jeune fille folle de son âme, il donne vie à un conte cruel où la sensualité du corps et la pureté du cœur semblent se confronter dans toute leur splendeur.

La jeune fille folle de son âme commence au lendemain d’une nuit de noces longuement attendue, au cœur d’un décor raffiné dont l’escalier mène à une chambre, témoin silencieux des tourments de l’amour et des plaisirs inavouables. Devant cette façade dont les multiples portes et fenêtres dévoileront peu à peu tous leurs secrets, les personnages de Crommelynck nous livrent le drame d’une adolescente devenue femme. Après 5 ans passés au couvent, Carine épouse enfin Frédéric, son amant de toujours. Alors que le bonheur des amoureux éclate enfin au grand jour, une suite d’événements et de rencontres aux propos inattendus vont semer le désarroi dans le cœur de la jeune fille.

Dans La jeune fille folle de son âme, Michael Delaunoy nous parle avec subtilité et ferveur de la découverte du plaisir et de l’amour. Accompagné de comédiens touchants et criants d’authenticité, il sublime le lyrisme des mots et la poésie presque shakespearienne de l’auteur. Les personnages vont et viennent, s’agitent et incarnent l’urgence de la parole en exprimant avec force et conviction ces choses vitales qui doivent être dites et entendues. Tous nous dressent le portrait angélique de Carine dont la candeur et la pureté inébranlables sont malmenées par les Masques, représentants anonymes du désir charnel. La talentueuse Charlotte Villalonga retranscrit l’émoi de cette jeune fille avec une émotion bouleversante et une intense fragilité. Avec Damien De Dobbeleer (Frédéric), ils forment un couple parfait d’amants fiévreux et émouvants, exposés aux frémissements du premier amour.

En ouvrant une réflexion sur la question "Que faire de son corps et du désir qui l’habite ?", le spectacle s’enrichit d’une dimension à la fois émotionnelle et charnelle. Ici, lorsque les sentiments exultent, les corps parlent autant que les cœurs. Les personnages de Crommelynck, animés par l’élan de l’amour et l’ardeur du plaisir, deviennent avant tout des corps tremblants qui se cherchent à chaque instant, se lient l’un à l’autre, puis se repoussent pour se retrouver aussitôt.

Sans tomber dans le sentimentalisme, Michael Delaunoy nous invite à la délectation du texte de Crommelynck dont il extrait la fraicheur d’une jeunesse aux passions troublantes. Doté d’une puissante profondeur, La jeune fille folle de son âme décrit avec sensibilité et volupté la perte de l’innocence et les troubles d’une âme au destin tragique et déchirant.

Laura Bejarano Medina