Dimanche 23 avril 2017, par Catherine Sokolowski

Eloge de l’essentiel

“Passer par les villages !”, tel est succinctement le message de Peter Handke, qui ne prône rien d’autre qu’un retour à l’essentiel, à la nature et à la bienveillance. Son texte, écrit en 1981, est une ode à la vie réelle, dénuée de tout artifice. De facture classique, il résonne comme un beau et long poème dramatique (plus de 2 heures) habilement mis en scène par Jean-Baptiste Delcourt et interprété avec passion par six acteurs très talentueux.

A la mort de leurs parents, deux frères et leur sœur doivent se partager l’héritage, c’est-à-dire la demeure familiale. Le frère aîné (Gregor alias Aurélien Labruyère), écrivain aux “lubies de dominateur”, n’a jamais clairement exprimé d’amour pour sa famille alors qu’au fond, il n’est ni hostile, ni même indifférent. Angèle Baux interprète le cadet Hans avec beaucoup de passion. Si l’on peut être surpris de voir cette jolie jeune femme dans le rôle d’un ouvrier agricole militant, on ne peut que s’en réjouir en l’entendant scander un texte dur et classique, lui donnant des allures de slam contemporain. La petite sœur Sophie (Jeanne Dailler) n’a jamais pu être elle-même, elle voudrait maintenant concrétiser son rêve et ouvrir son propre magasin dans la demeure parentale, projet très mal perçu par Gregor.

Anne-Marie Loop incarne d’abord une intendante, ensuite une vieille femme qui ne peut que constater la disparition du village, en tout cas dans sa formule authentique, remplacé par une plaque “centre du village” ! Enfin, il y a Nova (Taila Onraedt), douce et bienveillante, qui conseille et conscientise notamment au travers d’un long monologue de clôture qui est un appel quasi mystique à profiter des choses simples. Pour être complet, Pablo Stella joue le rôle d’un enfant, celui de Hans.

A travers cette histoire banale, Peter Handke explore plusieurs sujets, d’abord celui des relations humaines, des conflits et autres différends familiaux, mais aussi celui de l’importance des valeurs essentielles, des fondamentaux comme l’existence des villages, des gens qui y habitent, des jours qui passent, des rapports humains dans ce qu’ils ont de plus essentiels : “les cloches n’indiquent pas le temps mais rappellent l’éternité”. L’auteur dénonce aussi les inégalités, confrontant les “puissants”, “perdus dans leurs sortilèges” aux “blessés” qui seuls “peuvent voir la beauté”.

La richesse poétique du texte et le talent des comédiens sont les premiers atouts de ce spectacle. L’histoire et les décors sont secondaires. Le message est intéressant mais aurait, selon nous, plus d’impact s’il était délivré dans un contexte plus moderne. Ici toute transformation est rejetée, même les brouettes de fleurs, qui devraient plutôt rester en l’état. En conclusion, un spectacle fort, presque angoissant, clôturé par un message positif : aimez et profitez des choses simples. Un premier rayon de soleil dans un printemps récalcitrant !