Lundi 5 janvier 2004, par Xavier Campion

Eléonore Meeus

Notre coup de projecteur ce mois-ci est Eleonore Meeus. Présente dans de nombreux projets de cette saison 2004, nous avons voulu en savoir un peu plus sur cette artiste à multiples facettes...

Eléonore MeeusAvant d’aborder votre actualité théâtrale, revenons rapidement sur votre parcours.

J’ai découvert le théâtre grâce à un professeur de français qui nous a demandé une réelle participation orale, nous a fait découvrir de nombreuses pièces. Dès la 4ème secondaire j’ai commencé mes Humanités théatrales qui m’ont permis d’aborder le théâtre de manière théorique dans un premier temps.
En 1995, je suis entrée au conservatoire de Bruxelles, dans la classe de Pierre Laroche. J’ai suivi les cours du conservatoire pendant 5 ans. En dernière année je suivais en parallèle des cours à Paris avec Nita Klein ( toutes les 3 semaines durant 4 heures) qui me formait plus particulièrement à la déclamation. Au terme de cette année, j’ai été admissible au conservatoire national de Paris, mais étant donné la formation que j’avais derrière moi, ils m’ont conseillé de me lancer.
A cette époque je jouais dans la compagnie d’Yvan Baudouin et Leslie Bunton, expérience difficile mais réellement enrichissante.

Depuis quand êtes-vous au sein de l’Atelier Jeune Théâtre National ?

Les concours du conservatoire de Paris se sont achevés en mai 2001, suite à leur conseil je me suis lancée dans la course aux auditions. L’audition de l’atelier est la première que j’ai tenté au mois de septembre de cette même année. Elle a été concluante. Les répétitions ont commencé dès la semaine suivante, ce qui m’a permis de me plonger directement dans le travail.

Que vous apporte cette expérience au sein d’une même troupe ?

Tout ! C’est une vraie liste qu’il faut que je vous donne. Avant tout, ce qui m’a toujours manqué : la confiance. On ne fait jamais aussi bien son métier que dans la confiance. Ma rencontre avec Mathias Simons a été pour cela une révélation.
Ensuite, il s’agissait pour moi d’une méthode totalement nouvelle, ce qui m’a obligé à me lancer en ayant tout à découvrir. Cela impliquait une réelle mise en danger, un dépassement de soi.
Puis il y a eu la découverte d’un seul et même groupe qui ne s’est pas choisi au départ. Il a fallut apprendre a travaillé ensemble et créer une ambiance seine et créative. L’un des principes de l’atelier est de jouer en tournée, ce qui implique un partage de l’intimité au quotidien. Heureusement tout se passe très bien. Au cours de ces tournées, nous faisons également des animations dans les écoles. Avant nos représentations nous présentons la pièce aux élèves et les préparons à la voir par des débats, des réflexions. Cette expérience est exceptionnelle. Cela nous donne une réelle motivation de groupe d’une part, et d’autre part cela permet individuellement de nous situer par rapport à notre métier. Cela implique une réelle remise en question. Je n’ai jamais été aussi convaincue que depuis cette expérience que le théâtre est une force énorme !
Enfin, cette expérience m’a appris à jouer à toutes les heures, dans n’importe quelle circonstance. Par exemple pour la pièce de Musset, "Il ne faut jurer de rien" nous l’avons joué environ 100 fois dans 30 lieux différents...c’est une opportunité rare pour un comédien.

En dehors du théâtre vous avez également une formation intéressante en musique. Que vous apporte la musique dans votre jeu de comédienne ?

J’ai une formation musicale assez particulière dans la mesure où j’ai joué en orchestre dès le départ. Cela m’a donc appris à développer un sens de l’écoute des autres, ce qui m’a beaucoup servi par la suite au théâtre par rapport à mes partenaires. Ensuite, je pense qu’ une personne qui a un sens musical a plus de facilités au théâtre pour trouver un rythme, pour découvrir le texte par un autre biais : sa musicalité. Le sens de la musique permet l’éveil à une autre dimension dans le théâtre, dimension que beaucoup ont tendance à oublier.

Vos compétences musicales vous ont-elles servi en tant que comédienne ?

Par le passé malheureusement non. Mais avec Cyrano de Bergerac totalement. J’ai été engagé parce que j’étais musicienne. C’est la première occasion pour moi de marier mes deux passions. Dans cette pièce, quelques personnages sont des musiciens. Très souvent les passages de la pièce pendant lesquels interviennent ces personnages sont coupés, ou joués sur bande sonore. Là pour une fois, ce sont de réels musiciens qui donnent vie au texte : Marc Deroy intervient au violon et à la guitare et moi à la flûte et au violon. Cela donne d’après moi plus de relief, quelque chose de plus vivant pour le spectateur. C’est une expérience très intéressante puisque le metteur en scène nous a laissé une grande part de créativité dans l’approche de la musique.

Parlez-nous de votre actualité théatrale.

Cyrano de Bergerac : du 27 octobre 2003 au 23 novembre 2003 au théâtre des galleries dans une mise en scène de Jean-Claude Idée.
J’interviendrais dans cette pièce dans différents rôles de musiciens.

Oreste : du 27 janvier 2004 au 21 février 2004 au théâtre national dans une mise en scène de Julien Roy dans le rôle d’Electre.

Eva Peron : du 2 au 20 mars 2004 au palace, dans une mise en scène de Nathalie Mauger. Dans cette pièce je joue le rôle de l’infirmière.

Ce sont des genres et des auteurs très différents, dans quel genre vous sentez-vous la plus à l’aise ?

Eléonore MeeusDans la tragédie : Oreste.La dimension de la tragédie me convient. J’aime le souffle que cela demande, les grands textes qui la composent. Je me sens définitivement plus à l’aise lorsque le travail consiste à faire passer une idée par les mots plus que par un travail corporel, même si ce dernier reste très important. J’aime, pour comprendre et aborder un personnage pouvoir m’appuyer sur un texte. J’aime la richesse de ceux de la tragédie.

Quel est à l’inverse, le personnage qui vous a demandé le plus de travail, de recherche ?

L’infirmière dans Eva Peron de Copi. Il s’agissait d’un réel travail de transformation, nous avons beaucoup travaillé l’improvisation physique.

Il fallait que j’imagine l’aspect extérieur de mon personnage, la consigne était claire : je devais être totalement méconnaissable.
J’ai commencé par le costume : une perruque, des gros seins et des grosses fesses. Le costume m’a apporté des informations extérieures qui m’ont permis de faire un réel travail intérieur. Je ne me déplaçait plus de la même manière, ne pouvais plus m’asseoir de la même manière. Ce n’est qu’une fois que j’avais maîtrisé cette nouvelle silhouette que j’ai pu étudié l’intériorité du personnage. Pourquoi elle était comme ça, qu’est-ce qu’elle pouvait ressentir etc. Cette expérience m’a permis de me rendre compte que l’on pouvait se transformer à l’infini. Cela permet d’ouvrir son esprit à l’imaginaire, chose que l’on ne s’autorise pas toujours. C’est une particularité du théâtre de Copi : il éclate tous les codes classiques. J’avais le sentiment de faire le chemin à l’envers, j’abordais l’apparence physique avant même toute approche du texte.
Par rapport à ma formation classique c’était une expérience très instructive, un peu déstabilisante au départ, mais très intéressante.

On apprend sur le site qu’en plus d’être comédienne vous avez également endossé différentes casquettes : mise en scène, création. Parlez-nous de ces expériences.

Ces expériences m’ont permis de pousser de nouvelles portes, découvrir de nouvelles voies mais pour lesquelles je ne me sens actuellement pas encore prête. Ces expériences correspondaient à mon envie de diriger un projet. Je voulais inventer un spectacle et ne pas être simplement interprète.

La création remonte à loin, j’étais encore très jeune.
L’expérience la plus marquante était effectivement mon rôle d’assistante à la mise en scène, d’oeil extérieur pour le projet de comédie musicale d’un groupe d’amis.

Cette expérience m’a appris à me forger un oeil critique par rapport au travail, m’a permis de prendre du recul.

Je participais à la mise en scène et à la direction des comédiens, il a donc fallut que j’aprenne à traduire mes impressions dans des termes qui pouvaient créer un déclic chez les comédiens, leur permettre d’avancer dans leur démarche artistique.

Oui effectivement ces expériences correspondent à une envie que j’ai actuellement. Même si j’ai la chance de pouvoir jouer, monter sur scène j’ai beaucoup d’autres envies. Je me rend compte qu’il ne faut pas toujours attendre que des structures fassent appelle à nous, nous devons être des moteurs. Voilà pourquoi avec un groupe de comédiens nous avons décidé de créer une asbl (SeBo asbl) qui nous permettra de réaliser nos envies théâtrales. Elle nous permettra d’intervenir à plusieurs niveaux, qu’il s’agisse de l’administratif, de la recherche de sponsor, de la régie, de la mise en scène etc.

Pour finir, auriez-vous un petit conseil a donner à tous ces gens qui comme vous tentent de réussir dans la comédie, la mise en scène ou la création ?

Mon plus grand conseil est de ne pas trop écouter les conseils justement !

Il faut pouvoir les entendre, en tenir compte, mais ces conseils ne doivent jamais empêcher quiconque de réaliser ses rêves. Si on a la passion de ce que l’on fait, il ne faut pas se la laisser abimer par d’autres...

Propos recueillis par Anne Antoni